La femme du jour. Laurence Lacour, amie de Ghislaine Dupont tuée au Mali il y a cinq ans
Chaque jour, Nathalie Bourrus raconte une femme. Un portrait, mais surtout une rencontre. Aujourd'hui, Laurence Lacour.
Nom : Lacour. Prénom : Laurence. Age : 61 ans. Métier : éditrice. Pourquoi Elle ? Parce qu’elle a lancé un manifeste pour ne pas oublier les femmes journalistes assassinées. Et parce que son amie de toujours, Ghislaine Dupont, reporter à RFI, a été tuée au Mali il y a cinq ans.
Ses cheveux gris impeccablement coupés, un pull bleu marine en cachemire, une écharpe douce. Laurence Lacour porte en elle un cocon, qu’elle a du se fabriquer. "Ghislaine vous manque…" Je n’ai pas le temps de terminer ma phrase. "Tout le temps. Je lui parle, même. Je lui demande des conseils, comme je le faisais avant. Par exemple ? Ben, quand j’ai adopté mes enfants, j’étais en Russie, et je lui envoyais des sms, elle me disait : suis ton instinct ! Et elle avait raison."
Laurence me fixe, son regard s’éteint. "On s’appelait tous les dimanche soirs. Au début, je disais : allo ma Gigi ? Puis, allo, ma Gi ? Puis… plus rien." Puis…. les larmes qui montent. Puis… la jeunesse qui revient à la gorge. Car ces deux filles, sont devenus des inséparables, il y a bien longtemps. Elles avaient 24 ans. Du temps où on se faisait embaucher dans les radios locales. "On passait un test de voix, à Belfort. C’était en 1982, au mois de novembre. On était en concurrence, on se regardait de travers. Je m’étais dit : elle a la voix trop blanche, et les mains tremblantes, c’est moi qu’ils vont prendre." Laurence se marre. "On s’est serré la main sur le quai du RER. Et quelques temps après, on a buté l’une sur l’autre, à Belfort. On avait été prises toutes les deux ! Ensuite, elle est partie à RFI, et moi à Europe 1. Mais on est restés amies". Les intrépides ne tenaient pas en place.
Pour Ghislaine, ce sera l’Afrique, jusqu’au bout. Pour Laurence, ce sera La Vologne. Cette affaire du petit Gregory, qu’elle vécut comme un calvaire. Et qui donnera son livre, devenu célèbre, le Bucher des innocents. Ecœurée par cette affaire, Laurence Lacour lâchera la presse, qu’elle quittera pour toujours. Tandis que Ghislaine Dupont, ne lâchera jamais le reportage.
Un mot pour la définir ? Fidèle. Laurence Lacour ne supporte pas de ne pas connaitre les derniers instants de Ghislaine. "J’ai vu son corps, qui avait reçu des coups. J’ai vu son crâne éclaté. Je ne sais pas… je la connais, je suis sure qu’elle s’est débattue, me dit-elle. J’ai besoin de savoir". La vérité, a tout prix… comme pour ne pas laisser sa sœur siamoise, dans la solitude de la mort.
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