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Mali : affaiblis, les djihadistes montrent qu'ils peuvent encore frapper Bamako

Les groupes djihadistes maliens ont frappé la capitale Bamako, ils ont pourtant subi plusieurs revers militaires et politiques ces derniers mois. Les soldats français et africains ont causé de lourdes pertes dans leurs rangs. Les islamistes ont aussi perdu une partie de leurs alliés, après la signature d’un accord de paix entre une partie de la rébellion touareg et le gouvernement malien.
Article rédigé par Michel Lachkar
France Télévisions
Publié Mis à jour
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Mission conjointe des armées malienne et française au nord du Mali à Tombouctou. (AFP/ philippe Desmazes)

La prise d’otage de l’hôtel Radisson Blu de Bamako survient alors que les réponses au défi sécuritaire malien commençaient à porter leurs fruits. Depuis 2013, les militaires français de la force Barkhane surveillent la région sahélienne du nord du Mali, et contiennent les groupes armés jihadistes. Ils sont épaulés dans cette mission par les soldats africains de la mission des Nations Unies pour le Mali, qui a essuyé de nombreuses pertes dans une vingtaine d'attaques en trois ans. Mais les forces de la Minusma  sont aujourd’hui plus aguerries. Elles peuvent s'appuyer sur une armée malienne, mieux organisée. Une armée qui, avec la police, se concentre sur la sécurisation des villes.

Malgré l'attaque contre l'hôtel Radisson au cœur de la capitale, des progrès ont donc été réalisés depuis janvier 2013, date où les avions Rafale et les hélicoptères de l'armée française ont stoppé l’avancée des groupes islamistes armés qui menaçaient la capitale Bamako. Quelques semaines plus tôt, ces groupes avaient mis en déroute l’armée malienne et les mouvements touaregs du MNLA.

Maintenir le chaos pour permettre les trafics
Malgré un certain succès pour contenir ces groupes djihadistes, le Mali reste aujourd’hui encore une cible privilégiée des terroristes qui doivent montrer qu’ils sont encore capables de frapper. Aqmi, le Mujao, Ansar dine ou le Front du Macima…Tous ces mouvements se réclamant de l’islamisme radical, veulent empêcher le rétablissement de l’Etat malien et le déploiement de son armée, afin de continuer leurs multiplies trafics (drogues, carburants, cigarettes, faux médicaments…). Leur pouvoir de nuisance a encore été renforcé par le supermarché des armes qu’est devenue la Libye après la chute de Khadafi. La libye est devenu le nouveau sanctuaire d'Aqmi et surtout de Daech. Avec Boko Haram au nord du Nigeria, et les shebabs en Somalie, c'est toute la région qui risque de se transformer en «Sahelistan». 

Aqmi (Al Quaïda au Magrheb Islamique), héritière des GIA algériens, a développé au nord du Mali, une véritable économie de la drogue, avec de nombreuses complicités locales. 40% de la drogue consommée en Europe transiterait par cet espace saharo-sahélien. Un avion Boeing bourré de cocaïne avait même atterri dans le désert en 2009. L'ancien président malien Toumani Touré a longtemps fermé les yeux sur ces activités illicites, les laissant prospérer. Pas difficile non plus de trouver des combattants ou des petites mains, pour quelques milliers de francs CFA dans cette région, une des plus pauvres du monde.
Un accord de paix a été signé entre le gouvernement malien et une partie de la rébellion Touareg (Reuters/ Joe Penney)

Mais aujourd’hui, le rapport de force a changé. En plus de la force française Barkhane et de la mission des Nations Unies, l’Union européenne apporte un soutien important à la stabilisation du pays. 550 militaires venus de 22 pays européens forment la police, la gendarmerie et la Garde nationale malienne. Des experts épaulent également les autorités maliennes dans le renforcement des administrations.

Un accord de paix avec certains mouvements touaregs
Mais le résultat le plus important est l’accord de paix signé le 20 juin 2015 entre le président malien et la rébellion touareg réunie au sein de la coordination des mouvements de l’Azawad (CMA). Cet accord doit déboucher sur une autonomie politique du nord du Mali, avec l’élection d’une «Assemblée régionale».

L’accord négocié durant dix mois à Alger prévoit une relance de l’économie et des investissements dans cette région déshéritée. Il doit permettre la réinsertion de milliers de combattants touaregs du MNLA dans l’armée et la police malienne. Un accord essentiel même si sur le terrain tout reste à faire pour désarmer près de 4000 hommes et les intégrer dans l’armée. 

Les moyens financiers existent pour cela. Rappelons que trois milliards d’euros avaient été promis par les bailleurs de fonds pour reconstruire les institutions et l’économie maliennes. C'est dire si le Mali est essentiel à la stabilité de l'Afrique de l'Ouest et centrale.

Reste à faire revenir les investisseurs étrangers pour relancer l'économie et l'emploi. De telles attaques terroristes visent aussi à les décourager. Un des enjeux pour les djihadistes est de maintenir le chaos afin de continuer leurs trafics en tous genres. Mais le Mali aura d'autres défis à relever: créer suffisamment d' emplois pour éviter qu'une partie de la jeunesse n'aille rejoindre ces activités illicites.

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