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Vidéo "Je me demande si ce n'est pas le gouvernement français qui a décidé de l'empêcher de sortir", accuse le fils de l'otage Sophie Pétronin

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Article rédigé par franceinfo
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Sébastien Chadaud-Pétronin, le fils de Sophie Pétronin, enlevée par un groupe jihadistes au Mali le 24 décembre 2016 et retenue en otage depuis, publie, ce jeudi, un livre intitulé "Ma mère, ma bataille".

Le fils de Sophie Pétronin, enlevée par un groupe jihadistes au Mali le 24 décembre 2016 et retenue en otage depuis, publie jeudi 2 mai Ma mère, ma bataille, dans lequel il déplore, notamment, l'absence, selon lui, d'implication des autorités françaises pour faire libérer sa mère. Mardi 30 avril, sur franceinfo, Sébastien Chadaud-Pétronin, dit se demander "si ce n'est pas le gouvernement français, qui a finalement décidé de laisser les choses en l'état et de l'empêcher de sortir" après un début de négociations.

franceinfo : Ce livre c'est une déclaration d'amour à votre mère, mais c'est aussi une accusation du gouvernement français. Vous écrivez "On m'a empêché de libérer ma mère"…

Sébastien Chadaud-Pétronin : Oui, je prétends que ma mère est libérable. Je prétends que c'est encore possible de la sortir de cet enfer et je me demande si, au mois de décembre, ce n'est pas mon propre camp, si ce n'est pas le gouvernement français, qui a finalement décidé de laisser les choses en l'état et de l'empêcher de sortir.

En décembre dernier, vous êtes à Bamako, après plusieurs mois à rechercher des intermédiaires qui pourraient vous permettre de faire libérer votre mère. Vous rencontrez un intermédiaire qui vous explique que les jihadistes sont prêts à la libérer contre une rançon, et la somme, dites-vous, est raisonnable…

Oui, elle est plus que raisonnable : on est à 10% de ce qu'on a connu dans les années précédentes, dans les mêmes négociations. Donc on est plus sur une négociation symbolique. Je pense que c'est le mécanisme qui a été refusé par Paris : c'est le principe-même de l'ouverture et d'un dialogue, parce que, même si Paris n'avait pas été en mesure de répondre à la demande des jihadistes pour sortir ma mère, il y avait une possibilité d'ouverture, il y avait une possibilité de dialogue, et je pense que c'est surtout ça qui a été refusé par Paris. Et c'est ça qui nous fait mal.

Que vous dit à l'époque le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian ?

Par l'intermédiaire de son conseiller, les raisons invoquées sont, pour moi, de mauvaise foi : "Votre intermédiaire n'est pas fiable, vous ne nous donnez pas le nom de votre intermédiaire". En fait, on veut apprendre quelle est ma filière, quel a été mon travail, quels sont mes intermédiaires, on veut tout connaître sans me dire si le mécanisme est accepté ou non, et ça, ça n'est pas recevable. S'il y a un principe de refuser toute négociation, toute discussion, toute ouverture pour le dossier Sophie Pétronin, je ne vois pas dans quelle mesure je pourrais donner mes informations.

Vous dites de Jean-Yves Le Drian : "Son autorité ne profite pas à la libération de ma mère"…

Ce n'est pas seulement Jean-Yves Le Drian. Je pourrais dire la même chose de notre président Emmanuel Macron. Je crois que ça devient un peu la marque de fabrique du gouvernement : il n'y a d'ouverture, pas de dialogue, pas de possibilité de mettre à une table diverses parties qui ne sont pas d'accord pour essayer de progresser. Donc, je pense qu'il y a une attitude qui est qui est très négative, très fermée, et c'est cela qui nuit à la libération de ma mère aujourd'hui.

Franceinfo a sollicité le ministère des Affaires étrangères qui nous a répondu que le Quai d'Orsay regrettait cette mise en cause, et donc ce livre qui ne serait "pas justifié alors que le fils de Sophie Pétronin fait, dit le Quai d'Orsay, l'objet d'une attention exceptionnelle tant en France qu'à l'étranger. Vous étiez avec un agent du ministère des Affaires étrangères à Bamako, en décembre, vous êtes accompagné dans ces démarches.

Oui, nous sommes proches de la cellule de crise, on reçoit du soutien et ce n'est pas cela que l'on met en cause. Le travail qui est fait sans relâche, on ne sait jamais vraiment ce que c'est, et nous on pense que c'est uniquement un travail de localisation en vue de frapper, en vue d'avoir une solution armée, une solution musclée, qui n'est jamais profitable pour les otages. Cela se finit toujours par un drame. Donc, c'est un peu faux de dire qu'on accuse l'Etat de ne rien faire. Ce n'est pas ce qu'on a dit, il y a certainement des gens qui travaillent énormément dans cette affaire et je m'excuse auprès d'eux s'ils ont mal compris certains messages. Ce que l'on déplore, c'est que l'attitude est musclée, l'attitude est militaire et ça ce n'est pas bon.

Ce qui va peut-être choquer dans votre livre, c'est que vous avez des mots plus durs contre les autorités françaises que contre les ravisseurs de votre mère.

Aujourd'hui, j'invite à une table toutes les personnes qui ont un pouvoir de décision dans cette affaire, et les jihadistes sont aujourd'hui à cette table, l'Etat français n'y est pas. Ce ne sont pas des accusations, c'est un malheureux constat que l'on doit passer par l'ouverture, on doit passer par la négociation pour pouvoir la sauver et la sortir de cet enfer. Je garde espoir, bien sûr : elle n'est pas morte, et tant qu'elle n'est pas morte je me battrai pour essayer de la sauver.

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