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Avec "The Silent Mirror", l’artiste M’barek Bouhchichi offre une visibilité à l’homme noir au Maroc

Article rédigé par franceinfo Afrique
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Réalisés sur des feuilles de caoutchouc, ses portraits et ses corps de femmes et d’hommes à la peau noire composent une œuvre à forte dimension autobiographique.

M’barek Bouhchichi est né en 1975 à Akka, au sud du Maroc. Il enseigne l’art depuis le milieu des années 1990. A travers ses œuvres, l’artiste formule des propositions esthétiques intimement liées à son vécu et à l’expérience de ses proches. Une exposition de ses toiles, The Silent Mirror, est visible jusqu’au 26 avril 2021 à la galerie d’art L’Atelier 21 à Casablanca.

Avec ses tableaux, il veut déconstruire la représentation et la perception du corps noir dans la société marocaine. Son travail invite à une profonde réflexion sur les ségrégations raciales subies par les Amazighs noirs, berbères du Sud marocain, souvent invisibilisés dans leur propre pays.

"’Silent Mirror’ présente des œuvres, pour la plupart de grand format, faites de feuilles de caoutchouc frappées à l’effigie de visages de face ou de profil, bustes, figures à mi-corps ou fragments plus ou moins métonymiques, qui se signalent dans les œuvres comme une présence souveraine, puisqu’ils se détachent d’un fond abstrait tel du plein sur le vide ; un fond dépouillé où les détails et textures de surface se font rares. Son volume est amplifié par un champ chromatique saturé qui nous invite à l’approche et l’immobilité, comme si l’artiste avait voulu accentuer la présence sensible de la peinture ainsi que son impact sur l’œil du spectateur", précise la galerie d’art, l’Atelier 21.    (M’BAREK BOUHCHICHI)
Une grande partie de son travail est axée sur le corps et de sa représentation sociale et politique au sein d’un environnement donné. Identité, corporéité et altérité sont des thèmes que M’barek Bouhchichi veut explorer. L’artiste estime qu’aujourd’hui "le Marocain noir est encore victime de ségrégation". A travers ses portraits sans corps ou à peine esquissés, il continue sa réflexion sur l’invisibilisation des personnes noires dans l’art ou dans la société.    (M’BAREK BOUHCHICHI)
Comme le déclare l’écrivaine d’art Fatima-Zahra Lakrissa dans la présentation de l’exposition, "la visibilité et la présence tangible du corps dans l’œuvre de Bouhchichi s’avèrent être la première réponse à la persistance de formes d’occultation ou de dévalorisation qui sont, consciemment ou non, reconduites, sinon renforcées par le système d’éducation artistique et l’histoire de l’art officielle notamment, et qui touchent certains groupes sociaux – précisément Amazighs noirs comme l’artiste –, leurs histoires, savoirs, savoir-faire et expressions artistiques."    (M’BAREK BOUHCHICHI)
L’auteure ajoute : "Les œuvres de cette exposition sont conçues à la fois comme une réponse à la différentiation et l’altérisation du corps noir et comme une tentative de réévaluation des moyens de sa représentation, à travers des techniques et protocoles créatifs mis en œuvre pour mettre à nu la logique de la construction du portrait. Elles explorent la notion d’échange – communication – entre le sujet, l’artiste et le spectateur à travers le regard, qui joue un rôle essentiel dans ce corpus de peintures."    (M’BAREK BOUHCHICHI)
Dans un entretien en 2020 à "The Metric", l’artiste explique à propos de sa démarche artistique : "Au Maroc, je pense qu’il est important de commencer par déconstruire le regard, les stéréotypes, le langage, les habitudes, et les choses qui nous limitent profondément du simple fait de voir clairement ce qui est devant nous. Et les Marocains noirs continuent d’être invisibles dans les espaces publics, notamment de la télévision – à moins d’adopter des rôles spécifiques qui renforcent les connotations racistes et les fausses déclarations – et dans l’arène politique."    (M’BAREK BOUHCHICHI)
M’barek Bouhchichi ajoute : "Nous pouvons commencer par déconstruire cette obsession répandue avec les liens de parenté de sang. J’ai l’impression que nous (en tant que Marocains) vivons encore dans un chantier de construction qui tente de faire du sang et la tribu, la seule façon légitime d’être digne de vivre. Vous avez des familles qui ne permettraient pas aux membres de leurs parents d’épouser des étrangers, et pire encore d’épouser une personne noire. Cependant, en même temps, vous pouvez trouver des contradictions au sein de cette même famille. Les personnes qui prétendent vouloir maintenir la pureté de leur sang familial ont eu des grands-pères et grands-mères noirs, ou ont eu des gens dans leur tribu qui sont noirs. Nous avons vraiment besoin de cette forme de déconstruction aujourd’hui."   (M’BAREK BOUHCHICHI)
L’art du portrait tient un rôle primordial dans les œuvres de Bouhchichi. "Presque toutes les figures sont représentées à échelle humaine, les visages ayant plus ou moins les proportions du nôtre. Pour autant, l’image fait obstacle car les repères de signification ne sont pas livrés à l’avance. Ils sont à deviner dans la pose des corps et des visages dont le mutisme nous envahit, nous interpelle. Bouches closes, lèvres scellées, les visages nous surplombent, arrêtent notre avancée vers les figures. Face à ces murs de silence, il faut s’armer de patience : on observe, on interroge, on attend", précise Fatima-Zahra Lakrissa.    (M’BAREK BOUHCHICHI)
Elle ajoute : "Ce ne sont pas des portraits selon la stricte définition imposée par ce registre car les visages sont reconstitués à partir d’une image mentale. Ce ne sont pas des visages anonymes, car ils sont identifiés par les prénoms que l’artiste attribue aux figures, pour certaines inventées en multiples alter ego, Ahmed et Amadou, Fatou… (…) Une famille de personnages liés par des affinités invisibles, un espace mental ou une humeur partagés, une profondeur psychologique commune, qui débordent la caractérisation physique ou esthétique des figures."    (M’BAREK BOUHCHICHI)
Comme l’explique "L'Observateur du Maroc et d'Afrique", "exposant dans diverses galeries au Maroc et à l’étranger, M’barek Bouhchichi fait aller son travail plastique au-delà de l’appartenance à une seule culture. L’artiste lui-même, animé par une vision universelle, ne peut pas joindre son travail à la frontière d’une culture qui serait exclusive d’autres cultures auxquelles l’artiste dit qu’il doit reconnaissance et gratitude. De Marrakech au Ponte Verda et de Paris à Sao Paulo, l’artiste place son travail sous le regard pluriel et multiforme des admirateurs d’art, en retour son travail gagne en cohérence et en une constante impulsion des autres à remettre en question la pratique artistique de la peinture mise en œuvre par l’artiste, et qui était jusque-là le sien."    (M’BAREK BOUHCHICHI)

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