Maroc : indignation aprĂšs lâarrestation dâune journaliste pour "relations sexuelles hors mariage" et "avortement illĂ©gal"
Une partie de la presse marocaine crie au complot politique.
Hajar Raissouni, jeune journaliste de 28 ans du quotidien arabophone Akhbar Al Yaoum (lien en arabe), connue pour son activisme en faveur du Hirak rifain, aurait été interpellée par la police dans un cabinet de gynécologie de la capitale, "en flagrant délit avec son fiancé, un gynécologue, un anesthésiste et une infirmiÚre", selon ChoufTV (lien en arabe) cité par Huffington Maghreb. La journaliste est suspectée de "relations sexuelles illégales ayant entraßné une grossesse et un avortement illégal". Elle a été présentée devant un tribunal.
"Le cas de Hajar Raissouni dĂ©passe le simple fait divers. Les ingrĂ©dients d'une machination aux relents politiques sont manifestement rĂ©unis, tant dans les circonstances de son arrestation que par son pedigree qui la dĂ©signe comme cible potentielle", sâindigne Le Desk, qui Ă©voque une machination politico-mĂ©diatique.
Aucune preuve
"Madame Hajar est venue chez moi dans un Ă©tat critique. Elle souffrait d'une hĂ©morragie interne et jâĂ©tais obligĂ© dâintervenir mais il ne sâagissait pas dâun avortement", se dĂ©fend le gynĂ©cologue.
La journaliste, qui devait se marier ces jours-ci avec un universitaire dâorigine soudanaise, rĂ©fute catĂ©goriquement la version officielle. "Je suis une femme mariĂ©e et nous avons rĂ©citĂ© la Fatiha (mariage religieux, NDLR) au domicile de ma famille. Nous nous prĂ©parions Ă acter notre union. Nous avons aussi dĂ©posĂ© notre dossier auprĂšs de l'ambassade soudanaise, puisqu'il s'agit dâun mariage mixte, et je n'ai subi aucun avortement", affirme Hajar Raissouni.
Vie privée et corps des femmes
"Je pense que la rĂ©gression que nous constatons sur certains droits, Ă travers des dĂ©clarations publiques ou des polĂ©miques inutiles qui enflent, notamment Ă travers le dossier de Hajar Raissouni, est symptomatique dâun non-respect gĂ©nĂ©ral de la vie privĂ©e et des libertĂ©s individuelles de chacun", sâinsurge la militante fĂ©ministe Souad Ettaoussi, contactĂ©e par Yabiladi.
Les libertĂ©s individuelles sont une ligne rouge qui ne peut ĂȘtre franchie Ă des fins politiques ou autres
Souad Ettaoussi, militante féministeà Ya Biladi
Tout mon soutien à Hajar Raissouni, ainsi qu'à toutes les marocaines qui ne disposent toujours pas des libertés fondamentales telles que disposer de leur corps.
â Durgamaya (@Durga_mayaa) September 3, 2019
Ne nous taisons plus, pour elle et toutes les autres !#etatliberticide #mybodymychoice https://t.co/ywGjSiuHae
"Arrestation politique"
Une partie de la presse marocaine met en doute la version officielle (lien en arabe)."Hajar Raissouni est la figure montante d'un journal connu pour ses liens avec certains milieux islamistes, notamment en cheville avec lâaile rĂ©fractaire du Parti de la justice et du dĂ©veloppement (PJD)", note Le Desk. Son fondateur, Taoufik Bouachrine, a Ă©tĂ© lui-mĂȘme condamnĂ© Ă 12 ans de prison dans une sombre affaire de mĆurs, rappelle le site.
L'interruption volontaire de grossesse (IVG) est passible de six mois à cinq ans de prison au Maroc : le code pénal sanctionne aussi bien celle qui avorte (de six mois à deux ans de prison) que ceux qui pratiquent l'acte (de un à cinq ans de prison). Les relations sexuelles hors mariage sont sanctionnées par un mois à un an de prison.
Les interpellĂ©s resteront emprisonnĂ©s jusquâĂ la seconde audience qui aura lieu le 9 septembre prochain.
Commentaires
Connectez-vous Ă votre compte franceinfo pour participer Ă la conversation.