: Reportage "J’ai peur que ma maison me tombe dessus" : au lendemain du séisme au Maroc, des familles passent la nuit dehors dans la crainte d’une réplique
Des dizaines de couvertures bariolées sont disposées sur la terre ocre d’un terrain vague de Tahannaout, à 35 kilomètres au sud de Marrakech. Le soleil va bientôt se coucher, samedi 9 septembre, et toute la ville semble s’être donné rendez-vous ici, à l’écart des immeubles. La peur d'une réplique d'ampleur a poussé ces hommes et ces femmes, accompagnés de nombreux enfants et personnes âgées, à se réfugier dehors, loin des habitations précaires, parfois détruites partiellement par la secousse de la veille.
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"J’ai peur que ma maison me tombe dessus", lâche Khadiga, dans sa robe terracota et son voile gris. Et pour cause, trois grandes fissures balafrent désormais son habitation en terre. Dans ces conditions, impossible pour cette mère de trois enfants de rentrer dormir chez elle. Le traumatisme de la veille est encore trop fort et les conditions de sécurité ne sont pas réunies. "Au moment du tremblement de terre, j’étais dehors et j’ai vu un nuage de fumée, se remémore la quinquagénaire, venue avec une partie de sa famille. Mes enfants étaient à la maison. J’ai cru qu’ils étaient morts. Et ils ont cru que j’étais morte."
Le risque d'une réplique
Pour éviter un nouveau drame, les habitants se sont retrouvés dans ce campement de fortune, au bord de la route principale qui mène aux montagnes de l'Atlas. "On est déjà venus dormir ici hier soir après le séisme. On revient aujourd’hui pour passer la nuit", explique Lahcen en tenant ses deux jeunes enfants serrés contre lui. Le quadragénaire en djellaba blanche se montre plus rassuré que la veille, quand il avait dû fuir les ruelles de la ville à la hâte pour éviter tout risque d’effondrement. "On reste dehors, en groupe. On a choisi cet endroit parce qu’il n’y a pas de construction. Il n’y a que quelques arbres."
Enfermés dehors, loin de leurs chambres, des dizaines d'enfants jouent en pyjama et en tongs sur le terrain vague. "Hier, j'étais sûr que la maison allait me tomber sur la tête", frissonne Nordin, le fils de Lahcen. Sous les étoiles, le jeune garçon de 11 ans retrouve le sourire et joue avec ses amis sans se soucier du risque de réplique. Ici, au moins, le plafond ne risque pas de leur tomber dessus.
"Mon chat m'a sauvée"
Du haut de ses 19 ans, Bouchra, elle, a bien du mal à se laisser aller à l'insouciance des courses-poursuites entre enfants. "C'est si dur, je suis très choquée", répète-t-elle, en tremblant. Une présence semble tout de même la rassurer. Un chaton roux de quelques semaines est installé sur son épaule. Elle le caresse sans s'arrêter. "C'est grâce à mon chat que je suis toujours vivante, il m'a sauvée, affirme la jeune femme. Il a senti les secousses et il m'a réveillée".
Moins de vingt-quatre heures après le terrible tremblement de terre, toute une organisation a déjà été mise en place par les habitants. Avec sa famille, Lahcen a ainsi monté deux frèles tentes pour les enfants. Mais ces toiles orange sont les seules du campement. Toutes les autres familles doivent se contenter de quelques fins matelas ou de plusieurs couvertures superposées. Des bidons d'eau de 5 litres sont également disposés à côté de chaque groupe, ainsi que quelques chaises en plastique pour les personnes les plus âgées.
Dans cette ville de 6 500 habitants, aucun matériel n'a été distribué par les autorités ou les secouristes. Pas de grandes tentes humanitaires, ni de packs d'eau par dizaines. Il faut dire que les dégâts ont été relativement légers dans le chef-lieu de la province d'al-Haouz. La ville n'a pas été aussi violemment touchée que d’autres villages plus proches de l’épicentre, qui ont été rayés de la carte.
Les habitants ne réclament d'ailleurs aucune assistance immédiate. Tous sont conscients que, quelques dizaines de kilomètres plus loin, en direction du Haut Atlas, la situation est bien plus difficile, comme le confirme le ballet des ambulances, qui traversent la ville sirènes hurlantes. Une fois le soleil couché, les montagnes de l'Atlas, épicentre du séisme, disparaissent à l'horizon. Pour tous, ici, elles symbolisent désormais la menace invisible d'une réplique.
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