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L'insécurité au Mozambique fait le lit des agences de sécurité paramilitaires

En raison de la faiblesse de son armée, le Mozambique compte sur des mercenaires pour lutter contre les terroristes.

Article rédigé par Jacques Deveaux
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Sur le port de Pemba au Mozambique, le 30 mars 2021, des familles espèrent l'arrivée de proches encore bloqués à Palma et dont elles sont toujours sans nouvelles. (ALFREDO ZUNIGA / AFP)

L'attaque terroriste contre la ville de Palma, le 23 mars 2021, a mis en lumière l'activité de sociétés de sécurité qui œuvrent un peu partout au Mozambique. A Palma, elles ont permis d'exfiltrer des personnes piégées dans la ville. L'une d'elles, Dick Advisory Group (DAG), a publié des vidéos où un de ses hélicoptères récupère dans la brousse des expatriés qui fuyaient les combats.

Le rôle de ces sociétés est peu clair. Officiellement, elles contribuent à la formation de personnels chargés de sécurité : protection de bâtiments, de sites industriels. Le groupe Total emploie ainsi une société pour protéger le chantier de la future usine de gaz liquéfié de Palma. Elles encadrent également la formation de l'armée du Mozambique.

Un rôle opaque

Mais pour certaines ONG, ces officines participent aussi à des opérations militaires. Amnesty International accuse DAG d'avoir lancé une attaque meurtrière par hélicoptère sur des civils en juin 2020. L'ONG reprend le témoignage d'une femme témoin des combats. "Deux hélicoptères sont arrivés, l'un des deux tirant et larguant des bombes. Un groupe de civils qui courait a levé les mains en l’air et ne s’est pas fait tirer dessus. Mais un autre groupe qui se trouvait avec les bandits n’a pas levé les mains en l’air et a essuyé des tirs. Il y a eu beaucoup de morts."

Au Mozambique, les agences de sécurité sont apparues avec la montée de la violence dans la région du Cabo Delgado. C'est en octobre 2017 que le groupe Al-Shabab s'est fait connaître. Des hommes armés ont attaqué la ville portuaire de Mocimbia da Praia. Leurs cibles, trois postes de police, une caserne. Le prologue à une très longue série d'exactions.

L'armée impuissante

L'armée nationale, selon les observateurs, est incapable de répondre aux attaques qui se multiplient. "Le Mozambique aurait besoin de blindés, de camions de transport de troupes, de drones de surveillance et de bateaux rapides pour contrôler les côtes", explique le diplomate suisse Mirko Manzoni, envoyé personnel du Secrétaire général des Nations unies au Mozambique.

"Alors que les insurgés n’ont cessé de gagner du terrain, l’armée est apparue désorganisée et démoralisée", explique Jasmine Opperman, experte sud-africaine à la RTBF.

Faute de soutien international, le Mozambique a alors fait appel à ces sociétés de sécurité, notamment la plus célèbre, le groupe Wagner, officine russe proche du Kremlin. D'autres viennent d'Afrique du Sud, comme DAG, le STTEP, ou encore le Frontier Services Group.  Elles se succèdent sur le terrain au gré des contrats ou de leurs échecs. Rien ne filtre sur ce que tout cela coûte au pays. Mais quand une société comme DAG utilise trois hélicoptères, la facture est fatalement élevée.

Réveil international

Pour autant, la donne a un peu changé pour les mercenaires. La pression terroriste a mis un frein au projet d'exploitation des immenses réserves de gaz de la région. Total a suspendu la construction de son usine de gaz naturel liquéfié. La reprise ne pourra se faire que dans un environnement pacifié.

Le message est passé. Ainsi le Portugal, ancienne puissance coloniale, a réactivé l'envoi de soldats dans un cadre de formation de l'armée du Mozambique. Les Etats-Unis ont déjà lancé une mission équivalente. Paris envisage également d'apporter une aide militaire. Les mercenaires vont pouvoir rentrer chez eux... peut-être !

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