Coup d'État au Niger : quatre questions sur la Cédéao qui a fixé un ultimatum aux putschistes
Les chefs d'état-major de la Cédéao, la communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest, se réunissent à Abuja, au Nigeria, du mercredi 2 août au vendredi 4 août pour évoquer la crise au Niger. L'organisation a par ailleurs envoyé une délégation à Niamey. Si les dirigeants ouest-africains ont condamné le putsch en se réservant la possibilité d'un recours à la force, l'un des responsables de la Cédéo déclare, mercredi, que "l'option militaire est la toute dernière option sur la table, le dernier recours, mais nous devons nous préparer à cette éventualité".
1 Quand la Cédéao a-t-elle créée ?
Elle existe depuis 1975. Elle a été créée par les 15 états d'Afrique de l'Ouest, du Nigeria à la Gambie, du Mali au Liberia. Sa mission est alors de faciliter les échanges au sein de cet espace, d'en faire un bloc d’intégration économique dans la région. Ses 15 membres se réunissent tous les deux ans pour élire un nouveau président, mais aussi plus ponctuellement lors de crises.
2 Qui est à la tête de la Cédéao ?
Elle est actuellement présidée par le chef d'État nigérian. Ce n'est pas seulement pour cette raison que le Nigeria prend l'initiative face au coup d'État à Niamey. C'est aussi parce que le putsch du 26 juillet constitue un défi à son autorité régionale. Le président du Nigeria s’appelle Bola Tinubu, il a été élu en février dernier. Après avoir vécu en exil dans les années 1990, pendant la dictature militaire de son pays, il s’est toujours présenté comme un défenseur de la démocratie.
Le dirigeant du Nigeria est donc politiquement obligé de s’indigner du coup d’État dans un pays limitrophe et de tenter de s’y opposer par une action diplomatique et au besoin militaire. Le Nigeria - déjà confronté à d’énormes difficultés économiques, sociales et sécuritaires - redoute aussi les conséquences d’une déstabilisation du Niger, un pays avec lequel il partage une frontière de 1 500 kilomètres.
3 Quels projets cette communauté a-t-elle portés ?
Le bilan reste assez maigre même si l'organisation essaie de favoriser les échanges entre ses pays. Le plus gros projet qu'elle porte est celui d'une monnaie unique pour remplacer notamment le franc CFA. Elle aurait dû voir le jour en 2020 mais cela a été repoussé. Le Nigeria, poids lourd de la Cédéao, a estimé que les États n'étaient pas encore assez alignés sur le plan économique. D'après un spécialiste, les pays de cette zone ont en fait eu tendance à garder des liens financiers avec les pays qui les avaient colonisés, c'est-à-dire la France, le Portugal et le Royaume-Uni.
La Cédéao peut aussi prendre des sanctions, par exemple des embargos. Après le coup d'État au Mali en 2022, elle a décidé la fermeture des frontières maliennes et l'arrêt des échanges commerciaux. Le Mali est d'ailleurs écarté provisoirement de la Cédéao, comme le Burkina Faso, la Guinée et le Niger après les différents coups d'État.
4 La Cédéao a-t-elle les moyens d'intervenir militairement contre les putschistes du Niger ?
Sur le papier, l’armée du Nigeria - pays de 215 millions d’habitants - la plus puissante de la région avec au moins 200 000 hommes serait la plus apte à intervenir, sauf qu’elle n’est pas formée pour mettre fin à un coup d’État, sans dégâts collatéraux pour la population. Il n’y a pas dans ses rangs ou dans la plupart des pays de la région des forces spéciales de très haut niveau. Par ailleurs, nombre de soldats du Nigeria appartiennent à la même ethnie - les Haoussas - que beaucoup de militaires du Niger et pourraient donc refuser de se battre contre eux.
Malgré tout, les États d’Afrique de l’Ouest sont déjà intervenus militairement ces dernières décennies, sous le nom d’ECOMOG (l'acronyme anglais de "Groupe de surveillance du cessez-le-feu de la Cédéao"). Ce n'est pas précisément une armée mais cela donne la possibilité de mobiliser des soldats des pays membres pour créer une force d'intervention.
>> Quatre questions sur la crise en Gambie et la possible intervention militaire africaine
Elle est intervenue une première fois au Liberia en 1990, puis en Sierra Leone en 1997, en Guinée-Bissau et en Côte d’Ivoire en 1999. Ceux que l’on appelle les "casques blancs" ont également été envoyés au Mali en 2012 et en Gambie en 2017. Leurs effectifs ont atteint jusqu’à 20 000 hommes pour certaines opérations. Il y a aussi des obstacles diplomatiques : l’Algérie qui partage aussi une longue frontière avec le Niger met en garde contre des interventions militaires étrangères, qualifiées de facteurs de complication et d’aggravation de la crise actuelle.
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