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Pourquoi les Nigérians de Boko Haram font allégeance au groupe Etat islamique

Dans un enregistrement, la secte nigériane a prêté allégeance à l'organisation jihadiste.

Article rédigé par franceinfo
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Publié Mis à jour
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Une vidéo de la secte islamiste nigériane Boko Haram, transmise à l'AFP le 2 octobre 2014.  ( BOKO HARAM / AFP)

Boko Haram rallie l'Etat islamique (EI). Le chef du groupe nigérian, Aboubakar Shekau, a annoncé avoir fait allégeance au mouvement jihadiste Etat islamique, dans un enregistrement audio diffusé samedi 7 mars. S'il demeure impossible pour l'instant d'en vérifier l'authenticité, le chef de Boko Haram s'identifie clairement sur la bande audio. "Cette allégeance n'est pas une surprise mais elle représente le ralliement le plus important à l'Etat islamique depuis leur proclamation du 'Califat'", a analysé sur Twitter Romain Caillet, chercheur à l'Institut français du Proche-Orient.

Pourquoi cela ? Francetv info revient sur les enjeux de ce rapprochement pour Boko Haram, qui jette ainsi un pont entre les jihadistes qui sévissent au Sahel et ceux qui combattent en Irak et en Syrie.

Pour s'inscrire dans une logique de "califat"

Le spécialiste du jihadisme sunnite Aaron Zelin, chercheur à l'Institut sur la politique au Proche-Orient à Washington, estime qu'il est difficile d'évaluer les effets immédiats d'une telle allégeance. Si elle va "dessiner une cible encore plus grosse sur [le] dos [des hommes de Boko Haram, ce rapprochement] est cohérent car cela met l'accent sur la résonance de l'idée de califat", a-t-il analysé. 

Le chef de l'Etat islamique, Abou Baqr Al-Baghdadi a été le premier, en juin 2014, à proclamer un "califat", à cheval sur les territoires syrien et irakien. En août, Boko Haram avait alors fait de même, après avoir conquis deux mois plus tôt la ville de Gwoza dans l'Etat de Borno (nord-est). En février, le président nigérian Goodluck Jonathan avait d'ailleurs affirmé qu'il disposait d'éléments attestant des liens entre Boko Haram et l'EI, sans en dire davantage. 

Par ailleurs, ce rapprochement constitue une bonne opértion pour l'EI. Pour Jasmine Opperman, directrice des opérations africaines pour le Terrorism Research Analysis Consortium (TRAC), une organisation qui surveille les groupes terroristes en ligne, "l'EI est clair dans ses objectifs : élargir le projet du califat islamique au moyen de l'expansion et du contrôle des individus", a-t-elle expliqué sur la chaîne ABC. Sur cette carte, la directrice du groupe de surveillance du jihadisme "Site", Rita Katz, avait identifié les différents groupes ayant prêtés allégence à l'Etat islamique à travers le monde. Comme le montre le pictogramme utilisé, le Nigeria était jusqu'alors qualifié de "soutien."

Pour bénéficier d'un riche soutien pour lutter contre la coalition 

Cette annonce d'allégence intervient alors que Boko Haram semble avoir été mis en difficulté par l'armée nigériane. Appuyée par ses alliés tchadien, nigérien et camerounais, cette dernière a repris aux islamistes plusieurs villes stratégiques. Menacé, le groupe islamiste a rassemblé cette semaine des troupes dans son fief de Gwoza, tandis que les massacres de civils se poursuivent.

"Les terroristes sont furieux de la façon dont ils ont été repoussés des villes et villages" qu'ils contrôlaient et ils "expriment leur colère", a réagi le commissaire à la Justice pour l'Etat de Borno, Kaka Shehu. "Cette allégeance [à l'EI], outre le formidable coup de pub qu'elle offre à Boko Haram dans la sphère jihadiste, permettra-t-elle au groupe armé de recevoir des renforts ?", s'interroge RFI. "C'est sans doute le pari d'Aboubacar Shekau désormais confronté à une coalition internationale emmenée par le Tchad et le Cameroun."

Par ailleurs, la radio relève que l'EI s'impose de plus en plus sur le continent africain, où plusieurs groupes sont en compétition. Ainsi, "la branche libyenne de l'EI implantée à Derna fait de plus en plus parler d'elle", ce qui aurait pu pousser le leader de Boko Haram a se tourner vers l'organisation terroriste la plus riche du monde, plutôt que vers Al-Quaïda au Maghreb islamique, dont les Nigérians ont longtemps été proches.  

Pour perturber les élections nigérianes du 28 mars

Cette annonce d'allégeance au groupe jihadiste le plus riche du monde survient trois semaines avant la présidentielle nigériane, le 28 mars. Un scrutin que les insurgés islamistes menacent de perturber. Shekau a promis de tout faire pour perturber le vote, faisant craindre que les élections, très disputées et parfois sources de violences à motifs politiques, ne tournent au désastre.

Selon des experts cités par l'AFP, les attaques risquent ainsi de se multiplier, notamment dans les régions les plus reculées et à l'approche des élections présidentielle et législatives. Ainsi, samedi encore, la grande ville de Maiduguri, capitale de l'Etat de Borno et berceau de Boko Haram, a été secouée par trois explosions attribuées aux islamistes, qui ont fait au moins 58 morts et 139 blessés.

Pour optimiser sa propagande

A l'instar de Rita Katz, plusieurs experts avaient également constaté récemment une ressemblance de plus en plus grande entre les vidéos de la secte nigériane et celles de l'Etat islamique. Lundi, le groupe avait ainsi publiée sur Twitter la vidéo d'une exécution, calquée sur le modèle de celles réalisées par l'EI. "Cette nouvelle version montre que Boko Haram n'est pas une simple imitation de l'EI mais est plutôt, une filière de l'État islamique," avait alors déclaré à la chaîne américaine ABC Veryan Khan, directeur de la rédaction de Terrorism Research & Analysis Consortium (TRAC), une organisation qui surveille les groupes terroristes en ligne.

Selon TRAC, Boko Haram s'est dès lors présenté comme "l'Etat islamique en Afrique'", raconte The Washington Post (en anglais)."Selon certains spécialistes, la crainte que le groupe nigérian ne deviennent une succursale de l'EI est exagérée", relevait alors le site du quotidien américain. "Mais l'évolution de sa stratégie médiatique nous signale bel et bien qu'ils s'inspire, voire travaille directement, avec leurs homologues au Moyen-Orient". Cette allégence tend à confirmer ce scénario.

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