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Nigeria: les femmes au cœur du conflit

Depuis 2009, le conflit armé entre le gouvernement du Nigeria et le groupe extrémiste islamiste Boko Haram aurait fait plus de 3000 victimes. Parmi elles, de nombreuses femmes, que les deux camps utilisent de plus en plus, à la fois victimes et bourreaux.
Article rédigé par Titouan Lemoine
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Un membre de la BringBackOurGirls ("Ramenez nos filles") lors d’une manifestation à Abuja, le 2 Juillet 2014.
 (REUTERS / Afolabi Sotunde)

Les femmes seraient-elles la clé de l'affrontement entre la secte islamiste Boko Haram et le gouvernement nigérian ? En tout cas, les deux camps n’hésitent pas à les cibler pour atteindre leurs adversaires. Dès 2012, Boko Haram menaçait d’enlever les femmes et les filles de membres du gouvernement et de policiers, en représailles aux nombreux emprisonnements et aux rumeurs d’agressions sexuelles sur les épouses de membres de la secte. Selon Human Right Watch, cette stratégie d’enlèvements «tactiques» associés à des violences s’est depuis généralisée, aussi bien chez les islamistes que chez les forces gouvernementales.
 
Dans tout le nord-est du pays, Boko Haram exerce sur les femmes chrétiennes une violence systématique. Selon le Réseau de recherche sur la violence du Nigeria, plus de 45% des victimes assassinées par la secte dans l’Etat de Borno, épicentre du conflit, sont des femmes ou des enfants chrétiens. Une véritable campagne «punitive», utilisant viols, agressions, enlèvements, conversions forcées et meurtres, qui a trouvé son apogée avec l’enlèvement de 223 lycéennes à Chibok en avril qui a scandalisé le pays et l’opinion internationale. Au-delà de l'application stricte de la Charia, l'idéologie de Boko Haram prône une guerre totale contre les communautés chrétiennes, dont les femmes sont aujourd'hui les armes et les victimes.


Les femmes de Boko Haram
Le 30 juin 2014, les forces de sécurité ont annoncé avoir démantelé un réseau d’agents de Boko Haram à Maiduguri, le principal centre urbain sous l'influence de Boko Haram. Le groupe était impliqué dans plusieurs attentats et assassinats, ainsi que dans l’enlèvement des lycéennes de Chibok. Il était dirigé par Babuji Ya’ari, un homme d'affaires local, par ailleurs agent double au sein des Civilian JTF, milice d'auxiliaires civils anti-islamistes. Plus surprenant, la cellule comprenait deux femmes à des postes clés. L’une était chargée de la rémunération des membres du réseau, tandis que l’autre officiait en tant qu’armurière et espionne.
 
Selon une étude des chercheurs Jacob Zenn et Elizabeth Pearson, ce changement de modus operandi relève d'une adaptation de Boko Haram aux stratégies gouvernementales. Depuis plusieurs mois, les forces de sécurité exercent une pression constante sur le vivier de recrutement habituel du groupe armé : les hommes jeunes, pauvres et peu éduqués. L'emploi de femmes dans les opérations de Boko Haram coïncide avec des vagues de contrôles et d'arrestations à Maiduguri et la multiplication de checkpoints tenus par les milices civiles alliées à la police. Les soldats islamistes n'hésitent d'ailleurs plus à se déguiser en femmes voilées pour échapper à la surveillance policière. En guise de réponse, les Civilian JTF ont également étendu leur recrutement aux femmes, notamment chrétiennes, qui entrent ainsi un peu plus dans le conflit.

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