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"On va regarder à travers les pierres" : comment des ingénieurs vont tenter de percer les mystères des pyramides

Des ingénieurs et scientifiques espèrent trouver des chambres secrètes au cœur de quatre pyramides égyptiennes. MehdiTayoubi, co-initiateur et coordinateur de la mission ScanPyramids, explique à francetv info les enjeux de ces travaux.

Article rédigé par Simon Gourmellet - Propos recueillis par
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
Les pyramides du plateau de Gizeh vont peut-être enfin révéler leurs derniers secrets. (KHALED DESOUKI / AFP)

Mehdi Tayoubi va s'attaquer à l'un des plus grands mystères de l'histoire. Rien de moins. Avec l'institut HIP (Héritage, innovation et préservation) qu'il a cofondé, il va coordonner une équipe d'ingénieurs et de scientifiques qui va scanner sous tous les angles quatre pyramides égyptiennes : celles de Khéops et de Khéphren, qui avec Mykérinos forment les célèbres pyramides de Gizeh, ainsi que deux du site de Dahchour, au sud du Caire. Un mission initiée avec la Faculté des ingénieurs du Caire, et notamment le professeur Hany Helal, un ingénieur pionnier en matière de recherche archéologique et ancien ministre de la recherche.

Objectif : percer leurs mystères, débusquer leurs pièces secrètes et tenter d'expliquer leur construction. Pour y parvenir, ils vont faire appel à ce qui se fait de mieux en termes de technologies "non invasives", c'est-à-dire qu'ils ne toucheront pas à une poussière des monuments millénaires grâce à des techniques habituellement utilisées dans l'industrie, ou dans des domaines complètement étrangers à l'archéologie.

Mehdi Tayoubi, co-initiateur et coordinateur de la mission Scan Pyramids, explique à francetv info leurs méthodes et leurs espoirs. 

Francetv info : En quoi vos techniques sont-elles différentes de celles utilisées par les précédentes missions ?

Mehdi Tayoubi : Le ministre des Antiquités égyptien nous a demandé d'identifier les meilleures équipes au monde dans le domaine des technologies non destructrices et "non invasives". Car l'objectif numéro un reste de ne pas toucher aux pyramides. On ne creuse pas, on laisse les pierres tranquilles. On essaye juste de regarder à travers.

Pour y arriver, nous disposons de différentes méthodes. L'une d'elles consiste à placer des caméras thermiques infrarouges sur les faces des pyramides. Aujourd'hui, ce matériel a atteint de tels niveaux de précision que l'on va pouvoir, en mesurant les écarts de température, identifier des anomalies potentielles. Concrètement : repérer des cavités situées près des faces du monument.

Dans un premier temps, on fera une prise de mesure rapide sur les quatre pyramides, puis on mènera une campagne plus longue, durant laquelle on va compter sur les changements climatiques des saisons. En agrégeant les données sur un temps plus long, on sera capable de reconstituer une image qui ressemblera à une radiographie du monument. Les équipes de l'université Laval, au Québec, partenaire du projet, ont déjà mené ce type d'expérimentation sur des églises en Italie, et sont arrivées à voir ce qui se cachait dans les murs.

Vous ne pouvez pas creuser, mais avez-vous la possibilité de vous rendre à l'intérieur des pyramides ? 

Bien sûr. Avec deux équipes japonaises, nous allons procéder à une radiographie interne en mesurant les muons. Ce sont des particules élémentaires cosmiques qui bombardent jour et nuit notre planète. En comptant leur nombre dans la pyramide, on va savoir s'il y a, là aussi, des cavités inconnues car les murs et les obstacles absorbent les muons. Si on en trouve une grande quantité, c'est qu'ils ont traversé une zone non-dense, c'est-à-dire une cavité. 

Pour mesurer la présence de ces particules, il y a deux méthodes : la première ressemble à une sorte de papier photographique sensible à ces muons. Elle a été développée au Japon pour observer les chambres magmatiques des volcans. L'autre technique utilise un appareil électronique développé pour scanner l'intérieur des réacteurs de la centrale accidentée de Fukushima.

Comment comptez-vous exploiter ces données ? 

Des drones vont survoler les zones étudiées. Des scanners lasers seront placés à l'intérieur des pyramides pour réaliser une reconstruction en 3D des lieux et de l'ensemble du plateau du Gizeh et de Dahchour. L'objectif est d'avoir un double numérique des lieux, au millimètre près dans certaines zones, pour ensuite y glisser les données récoltées.

Cette modélisation va également nous permettre de conserver une image précise de ces merveilles avant que le temps ne les abîme, comme le faisait l'architecte français Viollet-le-Duc avec ses moulages en plâtre au XIXe siècle.

Vous focalisez-vous uniquement sur les pyramides ? 

Non, puisque le ministre des Antiquités égyptiennes nous a également demandé d'organiser la campagne de thermographie infrarouge dans la tombe de Toutankhamon. L'objectif étant de vérifier la thèse de l’archéologue britannique Nicholas Reeves, qui affirme que le site pourrait dissimuler deux portes secrètes, plâtrées, puis recouvertes de fresques. L'une d'elles pourrait dissimuler la chambre funéraire de Néfertiti, cette reine à la beauté légendaire, qui exerça un rôle politique et religieux fondamental au XIVe siècle avant Jésus-Christ.

Mais vous n'allez pas vous limiter aux pièces cachées, que ce soit dans la tombe de Toutankhamon ou dans les pyramides...

Evidemment, on va aussi chercher à comprendre comment les pyramides ont été construites. Et c'est un des mystères qui pourrait être résolu le plus facilement, dans la mesure où l'on va cartographier les structures d'architecture du monument. Si l'on détecte de nouvelles structures, on va peut-être pouvoir enfin trouver une explication et comprendre comment de tels blocs ont pu être assemblés à de telles hauteurs. 

Mais il faut bien comprendre que notre démarche n'est pas de vérifier ou de démonter une théorie. Nous sommes là pour prendre des mesures et rester objectifs. Comme l'a dit le ministre du Tourisme égyptien, citant Napoléon : "On s'engage et puis on voit." On est dans l'action, et c'est l'action qui va permettre de résoudre les problèmes théoriques. C'est en tout cas ce que l'on espère ! 

On imagine que si vous vous lancez dans une telle aventure, c'est que vous avez bon espoir de trouver quelque chose... 

De nombreuses missions ont déjà été menées, révélant très souvent des anomalies qui restent inexpliquées à ce jour. On pense notamment qu'au bout d'un conduit, qui part de la chambre de la reine dans la pyramide de Khéops, il y a une chambre secrète. En 2010, un robot avait révélé la présence de hiéroglyphes cachés dans ce passage. Mais la mission s'était brutalement arrêtée en raison des bouleversements politiques en Egypte.

Notre espoir, c'est de pouvoir "creuser" ces indices. Au mieux, on va trouver des choses qui permettront de les comprendre, réaliser des découvertes qui feront rêver les gamins. Au pire, on aura fait progresser nos techniques et nos matériels. La mission va durer jusqu'à la fin 2016. Et l'objectif est, à terme, d'installer un laboratoire sur place pour travailler sur le patrimoine égyptien. 

Vous devez être impatients de commencer... 

C'est vrai, on est contents et fiers de participer à une aventure d'une telle ampleur. On a la chance de travailler non seulement sur la pyramide de Kehops, la plus célèbre, mais aussi sur trois autres. Des structures qui ont été édifiées dans la même période et donc, sans doute, par des bâtisseurs qui ont assisté à plusieurs de ces chantiers. Donc étudier les quatre en même temps va nous aider à comprendre leurs méthodes et comment ces monuments ont été conçus. 

L'Egypte fait face à une vague d'attentats et d'attaques terroristes. Etes-vous inquiet face à ces risques ? 

Non, pas plus qu'ailleurs. Les Egyptiens nous accueillent à bras ouverts et nous sommes conscients qu'ils ont aussi besoin d'aide. La science et la connaissance, c'est bien. Mais nous voulons aussi aider l'Egypte à retrouver une dynamique positive. 

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