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Elections générales à l'issue incertaine au Malawi, sur fond de corruption

6,8 millions d'électeurs (pour une population de 18 millions d'habitants) de ce très pauvre pays anglophone d'Afrique australe votent le 21 mai 2019 pour des scrutins présidentiel, législatif et local. Le chef de l'Etat sortant, Peter Mutharika, 78 ans, brigue un 2e mandat face à sept candidats, dont le vice-président et le chef de l'opposition.

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Le président sortant du Malawi, Peter Mutharika, montre un bulletin de vote factice à son effigie, lors du lancement de sa campagne électorale, le 7 avril 2019 à Lilongwe, la capitale du pays. (AMOS GUMULIRA / AFP)

Les élections législatives, mais aussi locales, ont lieu le même jour. 

La présidence de Peter Mutharika a été ternie par des affaires de corruption, alors qu'il s'était engagé à lutter contre ce fléau. Il a été personnellement impliqué dans une affaire de pots-de-vin de 3,9 millions de dollars. Il a d'abord affirmé être "convaincu qu'il s'agissait d'un don honnête", avant d'être contraint de rembourser 200 000 dollars. Pendant la campagne, il a soigneusement évité d'évoquer le scandale.

"On arrivera au niveau de Singapour ou de la Malaisie"

"On a mis le Malawi sur le chemin du progrès", a-t-il lancé le 18 mai lors de son dernière réunion électorale à Blantyre (sud), ville la plus peuplée du pays, devant des milliers de ses partisans. "Si vous me donnez cinq ans supplémentaires, je transformerai ce pays au point que vous ne le reconnaîtrez pas (...). On arrivera au niveau de Singapour ou de la Malaisie", a-t-il affirmé. En 2018, le premier de ces deux pays asiatiques a réalisé un taux de croissance de 3,2%, quand le second affichait 5,3%.

De fait, les infrastructures, notamment les routes, se sont nettement améliorées ces cinq dernières années. Pour autant, le bilan économique du chef de l'Etat sortant reste mitigé. Depuis 2014, le taux d'inflation a chuté de 23 à 9%, mais la croissance a elle aussi baissé de 5,7% à 4%, selon le Fonds monétaire international (FMI).

De leur côté, les partisans de Peter Mutharika louent ses efforts en terme de développement. "Nous avons maintenant, grâce au président, de l'eau, des routes et des écoles dans notre district. C'est la première fois de ma vie que je vois un tel développement", a estimé Sakanako Japana, 72 ans, lors du meeting du Parti populaire démocratique (DPP), au pouvoir, à Blantyre. Le chef de l'Etat peut aussi compter sur un large soutien dans les zones rurales, en raison des subventions gouvernementales pour les engrais.

L'opposition suggère que les mauvais résultats économiques sont "liés à la corruption, en raison d'une mauvaise attribution supposée des fonds accordés par les donateurs", a expliqué à l'AFP Jane Morley, qui dirige la section risques pays pour l'Afrique subsaharienne du consultant Fitch Solutions citée par l'AFP. Le pays, très pauvre (PIB par habitant : 302 euros en 2017) est très dépendant de l'aide internationale, celle-ci s'élève à 895 millions d'euros pour un budget de l'Etat de 1,16 milliard d'euros. Entre 50 et 70% des 18 millions de Malawites vivent toujours sous le seuil de pauvreté. Seuls11% d'entre eux ont accès à l'électricité.

Partisans du vice-président du Malawi Saulos Chilima, candidat contre le chef de l'Etat sortant, lors d'un meeting électoral le 18 mai 2019 à Lilongwe, capitale du pays.  (GIANLUIGI GUERCIA / AFP)

Les difficultés de l'opposition

Mais le président sortant pourrait profiter de "l'incapacité de l'opposition à s'unir derrière un candidat unique et (aussi profiter) du système électoral", a ajouté Jane Morley. Ses principaux opposants, son vice-président Saulos Chilima, son ministre de la Santé Atupele Muluzi et le chef de l'opposition Lazarus Chakwera, ont naturellement fait de la lutte contre la corruption l'un de leurs principaux arguments de campagne.

Saulos Chilima, qui a claqué la porte du DPP en 2018, tout en conservant son poste de vice-président, accuse Peter Mutharika de "corruption" et de "népotisme". "On assiste à un grave pillage des ressources publiques, qui sont pourtant destinées à améliorer la qualité de vie", a-t-il affirmé à l'AFP. "Les personnes au pouvoir (...) savaient parfaitement quoi faire mais elles ont fait l'exact opposé", a-t-il ajouté.

Le 18 mai, Lazarus Chakwera, chef de la principale formation d'opposition, le parti du Congrès du Malawi de l'ancien dictateur Hastings Kamuzu Banda (1964-1994), a lui aussi joué la carte anti-corruption."Nous devons mettre fin à la corruption et faire respecter l'Etat de droit", a-t-il déclaré à l'AFP. "Les gens sont prêts au changement (...). Nous allons gagner cette élection", a ajouté celui qui était arrivé deuxième de la présidentielle en 2014.

En 2019, il dispose d'un avantage de poids, le soutien de l'ex-présidente Joyce Banda (2012-2014). La fin du mandat de cette dernière avait pourtant été marquée par le "Cashgate"un gigantesque scandale de corruption impliquant des représentants du gouvernement et des fonctionnaires. 223 millions d'euros, provenant notamment de l'aide internationale, auraient été détournés. Les bailleurs de fonds étrangers avaient alors suspendu leurs versements. Par la suite, Joyce Banda s'était exilée aux Etats-Unis.

Ses partisans veulent croire en la victoire de Lazarus Chakwera. "Je veux que le pays redevienne ce qu'il était pendant l'ère Kamuzu, les choses allaient alors bien mieux", a affirmé à l'AFP Scholastica Blackson, une productrice d'arachides.

Scrutin à un tour à la majorité simple

Le chef de l'Etat est élu selon un scrutin à un tour à la majorité simple. Peter Mutharika l'avait emporté en 2014, avec seulement 36% des suffrages.

Ces élections sont les premières organisées en vertu d'une nouvelle loi sur le financement des partis et des campagnes. Tous les dons individuels supérieurs à 1251 euros et ceux d'entreprises de plus de 2417 euros doivent être déclarés. Les distributions de liquide ont également été interdites. Ce qui a donné lieu à une campagne colorée avec distribution de casquettes et tee-shirts.

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