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Ghana : un îlot de démocratie en Afrique de l’Ouest

17 millions de Ghanéens sont appelés à désigner leurs président et députés le 7 décembre 2020. L’ancienne colonie britannique est devenue une référence en Afrique pour sa stabilité politique et son respect de l'Etat de droit.

Article rédigé par Michel Lachkar
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
 Supporteurs du parti National Démocratic Congress, lors du dernier meeting de John Mahama. Les Ghanéens sont appelés aux urnes le 7 décembre 2020 pour désigner président et députés. Accra, le 5 décembre 2020. (CRISTINA ALDEHUELA / AFP)

Le Ghana connait des alternances politiques pacifiques depuis 30 ans. Deux partis dominent la scène politique ghanéenne : le Nouveau Parti patriotique (NPP) actuellement au pouvoir représenté par Nana Akufo-Addo, qui se représente et le Congrès démocratique national (NDC) dont le candidat est l'ancien président John Mahama.

Si l’élection présidentielle du 7 décembre 2020 s’annonce comme une revanche de 2016, elle reste ouverte puisqu’il y aura 13 candidats dont 3 femmes, signe d’une démocratie moderne. Les 17 millions de Ghanéens désigneront le même jour leur 275 députés.
"Cette élection est celle des bilans", affirme Bernard Twum-Ampofo, un fonctionnaire interrogé par l’AFP dans la capitale. L'actuel président "a instauré la gratuité des lycées" et M. Mahama "nous a donné les infrastructures", dit-il, précisant n'avoir pas encore fait son choix. Le chômage, les infrastructures, l'éducation et la santé sont d’ailleurs les principaux thèmes de cette élection.

Une population éduquée

Ce que l’on avait presque fini par oublier dans la région, les candidats se présentent devant les électeurs avec de véritables programmes cherchant à convaincre plutôt qu’à manipuler l’élection. "Les hommes politiques ghanéens sont bien formés et l’étaient déjà avant les indépendances. On a donc une élite politique très éduquée, ce qui permet, entre autres, de gagner en crédibilité sur la scène internationale", affirmait en 2012 Hélène Quénot-Suarez, chercheuse spécialiste de l’Afrique subsaharienne à l’Institut français des relations internationales (Ifri). 

"J'ai confiance dans le processus électoral, et je suis heureux de dire que nous accepterons le souhait du peuple ghanéen. La paix, l'unité et la sécurité doivent être notre première préoccupation."

Nana Akufo-Addo, président sortant du Ghana

AFP

Un fort désir de démocratie

Comment est née la démocratie ghanéenne ? Fatigué de l’instabilité politique, le 28 avril 1992, Jerry Rawlings, ancien putschiste converti à la démocratie annonçait un référendum constitutionnel, basé sur les recommandations d’un comité de neuf juristes. Un projet de constitution modelée sur celle de la France, avec un président et un premier ministre, un conseil d'Etat et un parlement. Le projet garantissait aussi la liberté individuelle, le pluralisme politique, la liberté de la presse et l'indépendance de l'appareil judiciaire.
Malgré les réserves, sur un texte aussi difficile à saisir par la population, la plupart des groupes religieux et d'opposition ont exhorté les Ghanéens à se prononcer en faveur du projet de constitution. Cette forte volonté collective a permis d’inscrire durablement la démocratie dans ce pays.

Le Ghana, patrie de Kwame Nkrumah, l'un des pères du panafricanisme, était déjà une référence pour l'Afrique en devenant le premier pays d'Afrique noire à obtenir son indépendance. C'était en 1957, cette indépendance farouche vis-à-vis de l’ancien colonisateur britannique est dans l’ADN du pays. Le pays a sans doute réussi mieux que d’autres à se mettre à l’abri du jeu d’influence des grandes puissances, qu’il soit britannique, américain, français et aujourd’hui chinois. Jeu extérieur d’influence qui a fini, ailleurs, par perturber les élections.

On le voit en Côte d’Ivoire et en Guinée qui viennent de traverser des processus électoraux chaotiques et violents.  "Le Ghana apparaît aujourd'hui comme un exemple de démocratie apaisée en Afrique, depuis qu'il a résolument tourné le dos aux coups d'État, à l'image du Bénin et du Sénégal qui font aussi la fierté des démocrates du continent." affirmait le journal Burkinabe "Le Pays".

Alors qu’en Côte d’Ivoire obtenir le pouvoir c’est mettre la main sur la rente cacaoyère afin de pouvoir remercier sa large clientèle électorale ethnique et religieuse, au Ghana, également grand producteur de cacao et d’or, la campagne électorale porte sur des débats d’idées et des programmes.
Ici pas de conflit ethnique ou religieux, instrumentalisé par la classe politique comme chez ses voisins (ivoirité). Pourtant le Ghana est aussi une mosaïque d’ethnies et de religions, avec une forte minorité musulmane (20%) dans le nord du pays.

Une exception politique

Sans idéaliser la démocratie ghanéenne, elle apparaît comme une véritable "anomalie" politique dans la région. A la différence du Ghana, la majorité des régimes africains qui ont adopté le multipartisme dans les années 1990, notamment après le fameux sommet de La Baule, n’ont opté que pour une démocratie de façade. Ce multipartisme n’a d’ailleurs pas permis de renouveler la classe politique, les Bongo au Gabon, Eyadema au Togo, Idriss Deby au Tchad, Paul Biya au Cameroun, Sassou Nguesso au Congo… tous se sont accrochés au pouvoir durant des décennies. Ils organisent des élections qui permettent de légitimer leur position, mais les consultations sont le plus souvent manipulées. Il suffit d’une action discrète mais ferme pour mettre à l’écart les leaders de l’opposition et n’avoir finalement à se présenter que contre des candidats fantoches, sans avoir nécessairement à truquer les opérations de vote. Si la démocratie est un long apprentissage, elle dépend surtout de la probité et de la hauteur de vue de sa classe politique, à l'image d'un Senghor, ou d'un Rawlings. Le Ghana est un exemple en Afrique de l'Ouest.

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