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Guerre en Libye : le choix de l'émissaire de l'ONU entravé par les luttes d'influence entre Etats

Après la démission de Ghassan Salamé, la candidature de l'Algérien Ramtane Lamamra a été rejetée par Washington.

Article rédigé par Jacques Deveaux
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 2 min
Séance du Conseil de sécurité des Nations unies, le 28 février 2020. (TAYFUN COSKUN / ANADOLU AGENCY)

Depuis le 2 mars 2020, et la démission de Ghassan Salamé, l'ONU n'a plus d'émissaire en Libye. Une absence qui en dit long sur la lutte d'influence qui se joue entre les puissances étrangères. Le choix semblait s'être porté sur l'Algérien Ramtane Lamamra. Mais les Etats-Unis viennent de rejeter sa candidature, pressés par ses alliés dans la région.

La candidature de Ramtane Lamamra, ancien chef de la diplomatie algérienne et diplomate reconnu, au poste d'émissaire de l'ONU en Libye, a été rejetée par les Etats-Unis. (ODD ANDERSEN / AFP)

Ramtane Lamamra semblait pourtant être le candidat idéal. Agé de 67 ans, il a été ministre des Affaires étrangères de son pays de 2013 à 2017, et est reconnu comme un diplomate expérimenté. Ancien commissaire pour la paix et la sécurité de l'Union africaine, il est un spécialiste du continent. Il a même servi de médiateur dans le conflit frontalier entre le Tchad et la Libye sur le contrôle de la bande d'Aouzou.

Le double jeu des nations étrangères

Ghassan Salamé a jeté l'éponge, fatigué par le jeu d'influence qui se joue sans fin dans les sables libyens. "Je dois reconnaître que ma santé ne me permet plus de subir autant de stress, j'ai donc demandé au Secrétaire général (de l'ONU) de me libérer de mes fonctions", a écrit le diplomate libanais sur son compte Twitter.

Salamé a échoué, mais peut-on lui en vouloir ? Si le pays est coupé en deux, deux territoires et deux pouvoirs, ce n'est que la conséquence des manœuvres des pays étrangers. "Il y a des acteurs sans scrupules à l'intérieur et à l'extérieur de la Libye. Ils affirment pieusement leur soutien à l'ONU. En même temps, ils continuent par derrière à alimenter une solution militaire", expliquait en janvier dernier l'ancien émissaire onusien. L'embargo sur les armes n'est qu'un vœu pieux et le trafic se déroule presqu'au grand jour.

Le rejet par Washington de la candidature de Ramtane Lamamra participe du même principe. Selon des sources diplomatiques citées par l'AFP, l'Egypte et les Emirats arabes unis, soutiens de Khalifa Haftar, ont fait pression sur les Etats-Unis. A leurs yeux, Ramtane Lamamra est trop proche de Tripoli et de son  gouvernement, pourtant soutenu par l'ONU. Pour d'autres, ce serait tout le contraire, il serait jugé trop lié à la Russie qui soutient Haftar !

"Tirs amis"

Enfin le journal algérien El Watan va même jusqu'à évoquer "des tirs amis". Le travail de sape de certains cercles en Algérie afin de s'opposer à la promotion de Ramtane Lamamra. "Certains ne veulent visiblement pas qu’il réapparaisse sur les écrans radars de peur de le voir revenir aux affaires", écrit le journal. D'autant que la diplomatie algérienne s'est montrée très active ces derniers temps sur le dossier de la Libye, dont elle partage 1 000 km de frontières. Le président Tebboune proposant même d'accueillir un sommet entre toutes les parties libyennes afin de favoriser les négociations.

A ce petit jeu, trouver la perle rare devient une mission impossible, même si cela constitue l'essence même de la diplomatie. Le secrétariat "travaille d'arrache-pied pour faire une proposition", a déclaré l'entourage d'Antonio Guterres, le secrétaire général de l'ONU.

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