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Il est recommandé de ne pas critiquer l'Egypte, ni le président al-Sissi
Faire des commentaires négatifs sur l’Egypte ou ce qui la caractérise (le Nil), même sur le ton de la plaisanterie, se révèle très risqué. Critiquer le président al-Sissi, ou avoir des velléités de s'y opposer, n'est pas plus recommandé. D’ailleurs, il vient de mettre en place une loi qui vise à surveiller de près gens influents et ONG sur les réseaux sociaux. Depuis, plus grand chose ne filtre...
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Boire l'eau du Nil
Ça a commencé en janvier 2017, quand une chanteuse égyptienne connue, Sherine, donne un concert aux Emirats arabes unis. Un auditeur lui demande d’interpréter la chanson Avez-vous bu l’eau du Nil?, qui est un hymne d’amour déclaré à l’Egypte.
La chanteuse d’humeur facétieuse lui répond, comme si la question contenue dans le titre s’adressait à elle: «Non, vous risqueriez d'attraper la bilharziose», un parasite se trouvant dans l’eau, véritable fléau en Egypte.
En dépit du fait qu’elle ne se trouvait pas sur le sol national au moment de sa boutade et parce qu'en novembre de la même année une vidéo a circulé sur les réseaux sociaux, elle a été poursuivie en justice. Et ce, malgré des excuses publiques postées sur Facebook. En février 2018, elle a été condamnée à six mois de prison, aux motifs d’avoir «nui à l’intérêt général» via de «fausses informations».
Le harcèlement systématique des femmes
En mai 2018, une touriste libanaise publie une vidéo dans laquelle elle dénonce, avec rage et force insultes, le harcèlement dont elle se dit victime dans les rues et taxis du Caire, ainsi que la très mauvaise qualité de l’accueil dans le pays, en particulier lors du mois de ramadan.
La vidéo ne fait pas dans la nuance et atteste surtout de l’état d’énervement de la jeune femme de 24 ans, au moment où elle l’enregistre. Arrêtée à l’aéroport, elle est condamnée au maximum encouru, à savoir 8 ans de réclusion, pour avoir (comme précédemment), fait circuler de fausses informations, s’être attaquée à la religion et avoir tenu des propos obscènes. Après un pourvoi en appel, sa peine a été ramenée à un an assorti du sursis en appel en septembre.
S'opposer et remettre en question
En août 2018, c’est un diplomate de carrière égyptien qui apprend à ses dépens qu’il ne faut pas aller trop loin dans la critique. Opposant notoire, il appelle à organiser un référendum pour destituer le gouvernement Sissi et un grand rassemblement place Tahrir, siège du printemps arabe égyptien de 2011, si le gouvernement ne respecte pas le résultat. Plus de nouvelles depuis la fin du mois d’août.
Réseaux sociaux scrutés
Le président égyptien a promulgué une loi votée par le parlement début juillet qui met les réseaux sociaux en surveillance rapprochée. Le compte de toute personne ayant plus de 5.000 abonnés pourra être considéré comme un média et donc mis sous surveillance.
Le conseil supérieur de régulation des médias sera autorisé à suspendre ou bloquer tout site ou compte s’il juge qu’ils «publient ou diffusent de fausses nouvelles» ou «incitent à violer la loi, à la violence ou à la haine».
Membres de l’opposition, mais aussi journalistes, blogueurs et autres cartoonistes en ont déjà fait les frais, et sont sous les verrous sous divers prétextes. C’est ainsi qu’un journaliste, déjà arrêté, à fait l’objet d’un procès auquel il n’a pas pu assister, à l’issu duquel il a été condamné à 10 ans de prison. C’est sa femme qui l’en a informé lors d’une visite en prison, rapporte Reporters sans frontières dans Jeune Afrique.
Depuis le mois de juin, très peu de d’informations venant d’Egypte percent, preuve, s’il en fallait, que le verrouillage est efficace.
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