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Il y a 25 ans, le président algérien Mohamed Boudiaf était assassiné

Le 29 juin 1992, au cours d'une conférence qu'il tient dans la ville d'Annaba (ancienne Bône), Mohamed Boudiaf qui assure de facto les fonctions de chef de l’Etat algérien est assassiné. Sa mort symbolise la chute d'une Algérie en pleine crise politique après la démission du président Chadli Bendjedid, la victoire des islamistes du Fis et la dissolution de l’Assemblée nationale.
Article rédigé par Pierre Magnan
France Télévisions
Publié
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Mohamed Boudiaf (en civil au centre) salue le chef d'Etat major de l'armée, le général Abdelmalek Gueneizia (L), à l'aéroport d'Alger, le 16 janvier 1992, lors de son retour d'exil. (ABDELHAK SENNA / AFP)

Mohamed Boudiaf est assassiné en direct, lors d'une conférence diffusée à la télévision. «Les autres pays nous ont devancés par la science et la technologie. L’islam…» «Ce fut le dernier mot prononcé par Mohamed Boudiaf. Une explosion à droite de la tribune où il se tient vient brutalement d’interrompre son discours. Quelques secondes après, il est criblé de balles par un homme en uniforme armé d’une mitraillette...», selon le récit de Jeune Afrique.
 
Si on connaît l’assassin, Lambareek Boumaarafi qui sera arrêté, les questions restent nombreuses sur les circonstances du meurtre. De nombreux Algériens se demandent qui a pu armer le bras du tueur, trop d’éléments écartant la thèse de l’acte isolé. «La motivation de son assassinat est toujours sujette à controverse, entre la piste d'une action isolée commise par un élément des services de sécurité ayant des sympathies islamistes et celle d'un complot plus vaste», écrivait déjà le Quotidien d’Oran en 2007. 

La question est toujours sensible, comme le montre ce dessin du caricaturiste algérien Le Hic.


Le retour d'un exilé
Quand le pouvoir algérien rappelle Mohamed Boudiaf de son exil, il est en pleine déroute. Les premières élections libres, en décembre 1990, ont été marquées par la victoire des islamistes du Front Islamique du Salut qui balaye le FLN au pouvoir. L'armée réagit rapidement, le président Chadli est mis sur la touche et les élections annulées. Mais il manque une vitrine au régime.

C'est à ce moment-là que Mohamed Boudiaf apparaît comme la solution idéale. Militant de l'indépendance, homme neuf du fait de son opposition au régime depuis 1962, il peut paraître comme un homme providentiel pour ceux qui tiennent le pouvoir à Alger.

Avant de s'engager pour l'indépendance, Mohamed Boudiaf, né en 1919, est, comme de nombreux militants, soldat dans l'armée française et il combat notamment à Monte Cassino. Dans les années 50, il est un des leaders de la lutte pour l'indépendance. A ce titre, il fait partie des chefs du FLN arrêtés par l’armée française en 1956. 

Dans les prisons françaises, il devient ministre puis vice-président du Gouvernement provisoire de la République algérienne. Il est libéré en mars 1962 après les accords d'Evian. Partisan d’un régime démocratique, il est rapidement mis sur la touche par le pouvoir algérien et après une arrestation, il doit s’exiler. 

C'est donc en héros sans tache qu'il revient en Algérie en 1992. Mais malgré l'exil et la situation tendue, le nouvel homme fort réitère ses ambitions pour une Algérie plus démocratique et mieux gérée. «Aux millions d'Algériens, il annoncera, dès ses premières interventions, sa revendication d'une Algérie démocratique et plurielle, tournée vers la modernité et son engagement à lutter implacablement contre la corruption qui gangrenait l'Etat», rappelait le Quotidien d’Oran



Les mystères d'un meurtre
Faut-il voir dans ces exigences les causes de sa mort? Ils sont nombreux à le penser. «Vingt-cinq ans plus tard, les raisons qui ont motivé cet assassinat politique le plus important dans l’histoire du pays – et qui a marqué dans l’inconscient collectif le début de la guerre civile qui durera une décennie – restent obscures», écrit le Middle East Eye.

«Ce jour funeste restera gravé dans ma mémoire et celle de beaucoup d'Algériens qui ont ressenti un immense gâchis, parce que l'espoir qu'a suscité Mohamed Boudiaf venait de s'envoler pour laisser l'Algérie à des lendemains incertains, avec le résultat qu’on connaît: plus de 250.000 morts et des milliers de disparus», disait à Géopolis il y a deux ans Nacer Boudiaf, le fils du président assassiné.


Lettre à mon père
En 2016, Nacer Boudiaf avait accusé la haute hiérarchie militaire, Larbi Belkhir, le général Toufik, le général-major Khaled Nezzar et le général-major Smain Lamari d’être les «commanditaires» de l’assassinat de son père. «Larbi Belkheir, Toufik, Khaled Nezzar et Smaïn Lamari sont les quatre commanditaires de l’assassinat de Boudiaf. Le dernier (Lamari) était l’exécuteur de la mission. Mohamed Boudiaf les dérangeait car ses objectifs étaient clairs: l’élimination des mafias, la sauvegarde de l’Algérie et la démocratisation du système. Chose qu’ils n’ont jamais acceptée!»

Aujourd'hui dans le même journal, TSA, il publie une «lettre à mon père» dans laquelle il écrit: «Je suis venu te demander pardon de ne plus rechercher la vérité sur ton lâche assassinat, car l’Algérie que tu as toujours eu au cœur est aujourd’hui en danger. Et parce qu’elle est en danger, j’ai décidé de laisser le sort de tes lâches assassins à la Justice de Dieu, pour me consacrer à l’objectif de libérer l’Algérie des griffes des faucons du système installé après l’indépendance confisquée ; un système qui ne craint pas Dieu et n’a jamais respecté le peuple algérien.»

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