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«L'Egypte est devenue une prison ouverte», selon un chercheur d'Amnesty

Les informations sur les violations des droits de l'homme en Egypte sont légion. Mais il est rare de lire une telle charge contre le régime du président Sissi. Surtout quand les attaques sont signées d'un collaborateur d'Amnesty International, Hussein Baoumi, chercheur pour cette organisation et directeur des programmes d'une ONG égyptienne pour les droits et les libertés.
Article rédigé par Pierre Magnan
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 3min
Abdel Fattah El Sissi, président de l'Égypte, prononce un discours lors de la cérémonie d'ouverture du monument commémoratif pour la «Revitalisation de l'humanité» à Charm el-Cheikh, le 2 novembre 2018. (Pedro Costa Gomes / AFP)

Responsable de campagne sur l’Egypte pour Amnesty International, Hussein Baoumi s'exprime dans le journal Middle East Eye et ne mâche pas ses mots. «La répression a atteint un point de non-retour en Égypte. Je vous donne un exemple qui illustre la situation actuelle en Égypte : si une femme se plaint d’un harcèlement sexuel, elle est susceptible d’être poursuivie, emprisonnée et même accusée d’appartenance à un groupe terroriste», affirme-t-il notamment. 

Le chercheur fait remonter la situation dans le pays aux circonstances de l'arrivée au pouvoir du président Sissi en 2013: un coup d'Etat militaire accompagné d'une sanglante répression. «J’aimerais d’abord rappeler ce qu’a été le massacre de Rabia. Ce sont au moins 1150 manifestants tués par les forces de sécurité égyptiennes et, jusqu’à présent, aucun responsable des forces de sécurité n’a été inculpé.»

Pour le militant des droits de l'homme, ce massacre est à l'origine de la politique du régime. «Le massacre de Rabia a ouvert la voie à tous les abus des droits de l’Homme qui ont suivi. Désormais, de nombreux manifestants se trouvent en prison et l’Egypte connaît une série de violations des droits de l'Homme. Il suffit d’ailleurs d’exprimer un propos critique, de le publier, pour faire l’objet de la répression étatique». Et de poursuivre : «Le recours aux disparitions forcées, à la torture et aux exécutions extrajudiciaires se poursuit toujours.»

Le photographe Mahmoud Abou Zeid dit «Shawkan» a été condamné à cinq ans de prison pour «meurtre et appartenance aux Frères musulmans» dans un procès de masse le 8 septembre 2018. Le photojournaliste avait été arrêté en août 2013, alors qu’il couvrait les événements de la place Rabia. Le 12 novembre 2018, il n'avait toujours pas été libéré. (Islam Safwat / NurPhoto)

«La répression actuelle est sans précédent dans l’histoire récente de l’Égypte»
Dans cette interview, Hussein Baoumi pointe la responsabilité des pays occidentaux dans cette situation. «Rabia a été l’un des pires massacres de l’histoire moderne et pourtant l’Europe, en l’occurrence la France, tout en sachant cela, a continué à soutenir l’Egypte et à exporter des armes. (...) La majorité des gouvernements s’abstient toutefois d’épingler l’Egypte pour des raisons économiques et politiques, comme les contrats d’armement, le commerce, etc. »

Le chercheur d'Amnesty estime que le président Sissi se sert du «discours de la lutte contre le terrorisme pour masquer une répression contre la liberté d'expression». Pour Hussein Baoumi, «la répression actuelle est sans précédent dans l’histoire récente de l’Egypte et il faut avouer qu’elle a dépassé toutes les limites. L’Egypte est devenue réellement une prison ouverte.» 

Ces propos vont logiquement dans le sens des rapports d'Amnesty International sur l'Egypte («La crise des droits humains s'est poursuivie sans relâche en Egypte») ou de Human Rights Watch Le gouvernement du president Abdel Fattah al-Sissi a maintenu sa politique de tolérance zéro envers la dissidence, introduisant une législation répressive, notamment une loi sur les organisations non gouvernementales (ONG) qui pourrait mettre fin aux organisations indépendantes, rétablissant l'état d'urgence et perpétuant une impunité quasi absolue pour les abus commis par les forces de sécurité sous prétexte de combattre le «terrorisme»).

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