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«L'UA ne sera jamais forte si les Etats membres continuent à être faibles»
Le 30e sommet des chefs d'Etat de l'Union africaine s'est ouvert le 28 janvier 2018 à Addis Abeba, la capitale de l'Ethiopie qui accueille le siège de l'organisation panafricaine. L'Union entend se réformer pour mieux remplir les missions qu'elle s'est fixée. Qu'en est-il aujourd'hui? Entretien avec Gilles Yabi, analyste politique et fondateur du think tank citoyen ouest-africain Wathi.
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Quelle est la situation de l'Union africaine aujourd'hui?
Elle a des difficultés qui sont connues depuis longtemps. Quand l'Union africaine (UA) a succédé à l'Organisation de l'unité africaine (OUA) en 2002, il y avait énormément d'ambition dans le mandat qu'elle s'est donnée et les institutions qu'elle a souhaitées mettre en place. Mais on s'est très vite aperçu de la distance entre les ambitions affichées et les moyens dont l'organisation disposait, notamment la volonté politique de ses membres et ses ressources financières.
L'Union africaine est un rassemblement d'Etats et on ne peut pas imaginer l'efficacité d'une organisation comme celle-là, indépendamment de celle de ses membres. Cependant, il faut admettre que l'UA est allée beacoup plus loin que l'OUA dans sa volonté d'intégration, de se saisir de toutes les questions les plus importantes pour le continent. A commencer par la paix et la sécurité. Aujourd'hui, elle essaie de faire des réformes institutionnelles afin d'être de plus en plus pertinente dans son action et de plus en plus indépendante financièrement.
L'Union africaine, voulue au lendemain des indépendances et conçue sur le modèle de l'Union européenne, est-elle une véritable union?
Une union ne se décrète pas. Comme en témoigne l'Union européenne, elle se construit ! Le terme «Union africaine», au regard même de la taille du continent, traduit plus un espoir, un horizon qu'une réalité. Plusieurs visions émergent d'ailleurs autour de cette construction. Certains pensent qu'il faut aller vers une Union africaine très politique, en d'autres termes vers les Etats-Unis d'Afrique. D'autres estiment qu'il faut être beaucoup plus réaliste et construire une Union africaine qui s'appuierait sur la force des organisations sous-régionales. Entre ces deux modèles, il y a une hésitation qui est préjudiciable à l'organisation.
Quels sont les principaux défis que l'UA doit désormais relever?
Ils sont nombreux mais ils ne peuvent être envisagés qu'à l'aune de ceux qui s'imposent à chacun des pays membres. La grande difficulté de l'Union africaine, c'est l'absence de pays moteurs qui soient, entre autres, exemplaires au niveau politique et économique. Il y a, de nouveau, beaucoup d'instabilité politique en Afrique.
Dans ce contexte, il est difficile de voir émerger des leaders suffisamment forts pour avoir également, au-delà de leur agenda national, une vision régionale ou continentale. En tout cas, il ne semble pas y avoir beaucoup de chefs d’Etat qui soient dotés d’une telle ambition. Et lorsqu’on en trouve, ce ne sont pas des dirigeants qui sont à la tête de puissances régionales (politique, économique et militaire). La fragilité de pays comme le Nigeria et l’Afrique du Sud, deux grands géants africains, illustrent bien la difficulté de l’Union africaine à trouver des locomotives. Elle ne sera jamais forte si les Etats membres continuent à être faibles.
L'autre défi, ce sont les réformes. Le panel, qui a été dirigé par le président rwandais Paul Kagamé (qui va assurer la présidence en exercice de l'organisation en 2018), est parvenu à des conclusions qui tombent sous le sens. Il suggère notamment que l'UA se concentre sur des grandes priorités. Cela devrait se traduire par une répartition des responsabilités.
De même, en matière de financement, de nouvelles contributions sont envisagées au niveau des pays membres sous forme de taxes. Tous les Africains se rendent bien compte que cela pose problème d'avoir une organisation continentale qui est dépendante, pour ses programmes les plus importants, de l'Union européenne et de ses partenaires internationaux.
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