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La Guinée-Bissau est toujours sans président officiel deux mois après l'élection

Le petit pays d'Afrique de l'Ouest, fidèle à son instabilité chronique, avait deux présidents rivaux à sa tête le 29 février 2020, avant que l'un d'eux ne démissionne.

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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L'opposant Umaro Sissoco Embalo (à gauche), donné gagnant à la présidentielle de décembre 2019, est contesté par son rival, l'ex-Premier ministre Domingos Simoes Pereira.


 (FRANK FRANKLIN II/AP/SIPA - MARTIN BUREAU / AFP)

Chaque jour, ou presque, apporte son lot de surprises dans la vie politique de la Guinée Bissau (1,8 million d'habitants). Dernier coup de théâtre en date, la démission le 1er mars 2020 du "président intérimaire" investi moins de deux jours plus tôt par le camp de Domingos Simoes Pereira, candidat donné battu à la présidentielle du 29 décembre 2019. 

"Compte tenu des menaces de mort sur ma personne et mes gardes de corps, j'ai décidé de renoncer à la charge de président intérimaire pour laquelle j'ai été nommé, pour éviter un bain de sang en Guinée-Bissau et la confrontation" entre des forces de sécurité, a déclaré l'intéressé, Cipriano Cassama, un responsable du Parti africain pour l'indépendance de la Guinée et du Cap Vert (PAIGC), la formation qui domine la vie politique de cette ancienne colonie portugaise depuis son indépendance en 1974. M. Cassama était jusqu'alors président de l'Assemblée nationale, poste qu'il dit vouloir conserver.

La Cour suprême n'a pas encore tranché

Cependant, la renonciation de M. Cassama n'est pas partagée par le PAIGC, selon une dirigeante de ce parti. "Nous n'acceptons pas cette démission de Cipriano Cassama. C'est comme s'il avait renoncé à son pays. Pour nous, le combat continue", a déclaré à la presse la ministre de l'Administration territoriale et deuxième vice-présidente du PAIGC, Mme Maria Odete, sans plus de précision.

Cette situation cacophonique est née de la confrontation, toujours en cours, entre les deux candidats au second tour de la présidentielle : l'ex-Premier ministre Domingos Simoes Pereira (PAIGC) et un autre ancien Premier ministre, l'opposant Umaro Sissoco Embalo. Le premier conteste au second sa victoire attribuée par la commission nationale électorale avec 53,55% des suffrages. M. Pereira (46,45% des voix) et son parti dénoncent des fraudes et réclament qu'on recompte les bulletins de vote. Saisie, la Cour suprême ne s'est pas encore prononcée.

Deux présidents pour un seul fauteuil

C'est donc sans attendre la décision de la plus haute juridiction du pays, que le candidat donné vainqueur, Umaro Sissoco Embalo, s'est fait investir président le 27 février dans un hôtel de luxe de Bissau devant un parterre de plusieurs centaines de personnes. "Je jure sur mon honneur de défendre la Constitution, de la respecter et de la faire respecter", a déclaré M. Embalo, la main droite levée. Puis, sans sourciller, le chef de l'Etat sortant José Mario Vaz lui a passé au cou l'écharpe de nouveau président aux couleurs rouge, jaune et vert du pays. Depuis, l'outsider, qui a déjoué tous les pronostics, occupe le palais présidentiel et a procédé à la nomination d'un nouveau Premier ministre, Nuno Gomes Nabiam.

En réaction, c'était au tour de l'équipe annoncée perdante à l'élection de désigner un "président intérimaire" au lendemain de la prise de fonctions de M. Embalo, qu'elle juge illégitime. Mais l'intérim aura vraiment été de très courte durée, après la démission de Cipriano Cassama, la personnalité qui avait été désignée pour occuper ce poste (voir plus haut).

La Cédéao appelle l'armée à se tenir à l'écart du champ politique

Cet imbroglio politique n'est en tout cas pas du goût de la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédéao). Celle-ci a estimé illégales les investitures de deux chefs d'Etat rivaux en Guinée-Bissau et appelé l'armée à rester neutre dans la querelle post-électorale qui se poursuit deux mois après la présidentielle. Depuis le 28 février, en effet, la crainte d'une immixtion existe puisque des militaires se sont établis dans plusieurs institutions du pays (ministères, Assemblée nationale...) et ont pris le contrôle de la radio et de la télévision, sans qu'on sache si l'armée a choisi un camp et lequel. La Cédéao rappelle que "le contentieux relatif à l'élection présidentielle est pendant devant la Cour suprême" et qu'il faut attendre son verdict.

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