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La RDC, un pays à la dérive «comme à la fin de l’ère Mobutu»

C’est un pays engagé dans une descente aux enfers que décrit à Géopolis Afrique Thierry Nlandu, analyste politique congolais et professeur à l’université de Kinshasa. Un pays paralysé par une crise politique dont il ne voit pas d’issue. Avec une opposition en lambeaux et un pouvoir qualifié d’illégitime.
Article rédigé par Martin Mateso
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Des manifestants de l'opposition dans les rues de Kinshasa pour réclamer le départ du président Kabila, le 20 décembre 2016. (Photo AFP/Eduardo Soteras)

 
Son constat est des plus inquiétants. La RDC devient plus que jamais un géant aux pieds d’argile. La structure risque de s’écrouler avec toutes les conséquences que cela comporte pour toute la région de l’Afrique centrale, avertit Thierry Nlandu.

«On a l’impression que personne ne tient plus rien. Ça ne tient qu’à un fil. On est comme à la fin du régime Mobutu. Après la conférence nationale souveraine, on avait l’impression que Mobutu était encore fort et qu’il pouvait encore tenir. Il a tenu quelques années, et puis il y a eu l’arrivée des rebelles de l’AFDL. Ces jeunes combattants qui ont déboulonné une armée qui ne tenait plus à rien.»

Thierry Nlandu Mayamba est analyste politique. Il est aussi professeur de lettres à l'Université de Kinshasa. (Capture d'écran/DR)

«Personne ne sait qui commande dans le pays»
Thierry Nlandu observe que la RDC ne dispose pas d’une véritable armée, mais plutôt d’une série de factions. Plus personne ne sait aujourd'hui qui commande qui dans ce pays plongé dans une crise politique qui n’en finit pas.

«Vous ne pouvez pas gérer un pays aussi vaste avec un petit pré carré pour assurer juste votre sécurité comme président. Et sur le plan politique, plus personne ne tient personne. C’est plutôt explosif, non seulement pour le pays mais aussi pour la sous-région. Parce que si ça implose ici, les conséquences seront énormes au-delà de nos frontières, s’inquiète-t-il.

Dans ce climat délétère qui ne rassure personne, rien ne va plus sur la scène politique congolaise. La disparition d’Etienne Tshisekedi, figure historique de l’opposition, a laissé un vide qui sera très difficile à combler, confie Thierry Nlandu à Géopolis Afrique. Ses anciens compagnons se disputent déjà son héritage. Ils s’accusent mutuellement de traitres, d’usurpateurs et de vagabons politiques.

«Ce qui est intéressant aussi, c’est de constater que la majorité est en train de récupérer des gens qui semblaient être des porte-étendards de l’opposition, mais qui, une fois qu’ils entrent dans la machine, se comportent moins bien que ceux qu’ils y trouvent. On a eu Badibanga de l’UDPS qui était Premier ministre, aujourd’hui c’est Bruno Tshibala, venu également de l’UDPS. Sur le plan du fonctionnement, ce n’est pas différent de ceux qui sont aux commandes depuis plus de 18 ans. Face à cela évidemment, la population est blasée. Elle ne sait plus à qui faire confiance.»

A gauche, Félix Tshisekedi, fils de l'opposant historique Etienne Tshisekedi. A droite, Bruno Tshibala, ancien compagnon du fondateur de l'UDPS et actuel Premier ministre de Joseph Kabila. Tous les deux se disputent l'héritage d'Etienne Tshisekedi. (Photo Reuters/capture d'écran/DR)

«L'héritage d'Etienne Tshisekedi, une polémique stérile» 
Thierry Nlandu estime que la polémique stérile engagée autour de l’héritage d’Etienne Tshisekedi n’a pas lieu d’être. Pour lui, ce parti ne survivra pas à son fondateur.

«Je crois que Tshisekedi n’avait pas préparé la relève. En fait, il n’y a pas d’héritier. Et comme tous ces chefs qui étaient surtout des présidents charismatiques, à l’instar du président Mobutu, quand ils meurent, ils emportent avec eux leurs partis. C’est exactement ce qui s’est passé avec le MPR, le parti-Etat de Mobutu. Ces partis finissent par mourir de leur plus belle mort.»

Comment sortir dès lors de l’impasse politique qui s’est installée en RDC? Peut-on imaginer une totale recomposition politique dans le pays? Thierry Nlandu est plutôt optimiste.

«Aujourd’hui, c’est plus des politiciens qui étaient cachés derrière de grands leaders qui s’accrochent encore aux anciennes structures pour essayer de revivre. Mais je crois qu’à un moment donné, il y aura un leadership totalement différent qu’on commence à voir naître à travers tous ces mouvements citoyens qui sont lancés par des acteurs de la société civile à travers l’église catholique notamment. C’est cette tendance-là qui va certainement émerger pour recomposer la scène politique dans les années à venir.»

Thierry Nlandu pense qu’il faudra quelques années pour tourner la page de cette transition chaotique. Dans l’immédiat, conclut-il, «on va continuer à assister à ce brouhaha».

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