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La révolution de 1917 a-t-elle eu un écho en Afrique?

Octobre 1917. Il y a 100 ans, les Bolcheviques prenaient le pouvoir à Petrograd. A la tête de la révolution russe, Lénine et les autres dirigeants du Parti social démocrate russe (tendance majoritaire) imposent la paix et prônent l'autodétermination des peuples. La révolution provoque un choc dans les pays industriels. Mais son écho reste faible dans l'Afrique de l'époque.
Article rédigé par Pierre Magnan
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Révolutionnaires communistes de l'Afrique noire. Illustration de propagande, «Manuel pour bien dessiner», Pékin, 1972.  (Leemage)

Il serait très exagéré de dire que la révolution bolchévique a suscité un grand espoir dans l’Afrique de 1917, quasiment entièrement colonisée par les grandes puissances occidentales à l’exception de quelques territoires comme la future Ethiopie. La question coloniale n'est pas vraiment d'actualité dans une Europe qui pense plus à se partager de nouveaux territoires en Afrique et en Asie. La question n'est pas non plus prioritaire chez les révolutionnaires européens. Même si dans L'Impérialisme stade suprême du capitalisme Lénine cite à quelques reprises l’Afrique, il le fait surtout pour évoquer la concurrence que se mènent les grandes puissances. 

Le magasine Jeune Afrique s'est interrogé sur l'écho qu'a pu rencontrer la révolution soviétique dans l'Afrique de cette époque. Dans un entretien, l’historien britannique, Hakim Adi, professeur d’histoire de l’Afrique et de la diaspora africaine à l’université de Chichester en Grande-Bretagne, affirme que «la révolution a notamment suscité de l’intérêt chez les Africains qui s’étaient battus durant la guerre, à l’instar de Lamine Senghor en France (militant politique sénégalais sans parenté avec le président-poète, NDLR). Parmi ceux qui subissaient le joug colonial, elle ouvre de nouvelles perspectives, étant donné que des nations assujetties jusqu’ici par le vieil Empire russe se libèrent alors.»

«Les élites africaines, notamment celles qui ont reçu une éducation occidentale, se retrouvent donc vite influencées par ces changements radicaux. Un exemple d’adhésion pleine et entière aux idées de l’Internationale communiste (créée en 1919 dans la foulée de la révolution russe, NDLR) est celui de Franck Macaulay, fils de Herbert Macaulay, le "père du nationalisme nigérian"», ajoute Hakim Adi.

«Exiger l'expulsion des colonies des impérialistes de la métropole»
Pourtant, la révolution russe était porteuse de promesses de libération nationale pour les peuples. Les bolchéviques étaient pour le droit des peuples à l'autordétermination. Mais le faible développement économique du continent et le modèle colonial empêchait l'émergence d'une société ouverte aux idées révolutionnaires, à l'exception d'une très faible minorité. 

Dans sa volonté d'expansion (idéologique), le modèle bolchevique imposa aux vieux partis sociaux-démocrates de s'aligner sur une série de points définis par Moscou. Seuls les partis qui acceptaient ces 21 conditions pouvaient prétendre adhérer à la nouvelle internationale ouvrière, lachant celle qui s'était perdue dans la guerre de 14-18.

Parmi ces conditions figuraient la lutte contre le colonialisme. La 8e condition stipule que «dans la question des colonies et des nationalités opprimées, les partis des pays dont la bourgeoisie possède des colonies ou opprime des nations, doivent avoir une ligne de conduite particulièrement claire et nette. Tout parti appartenant à la IIIe Internationale a pour devoir de dévoiler impitoyablement les prouesses de "ses" impérialistes aux colonies, de soutenir, non en paroles mais en fait, tout mouvement d'émancipation dans les colonies, d'exiger l'expulsion des colonies des impérialistes de la métropole, de nourrir au cœur des travailleurs du pays des sentiments véritablement fraternels vis-à-vis de la population laborieuse des colonies et des nationalités opprimées et d'entretenir parmi les troupes de la métropole une agitation continue contre toute oppression des peuples coloniaux.» Les partis communistes nés de la scission de 1920 inscrivirent la décolonisation dans leurs programmes... Les partis sociaux-démocrates restant longtemps plus prudents sur cette question. 

21 novembre 1965. En pleine guerre froide, la présence du Che en Afrique (ici quittant le Congo) symbolise l'affrontement Est-Ouest alors que certains pays d'Afrique doivent se choisir un destin politique. (HO / AFP)

Pour  Hakim Adi, qui s'exprime dans la revue marxiste Période, «sur le continent africain, la révolution d’Octobre a aussi eu une influence significative, notamment là où le mouvement anticolonial ou la classe ouvrière étaient les plus développés. En Egypte, le mouvement anticolonial et les mouvements ouvriers atteignirent un nouveau palier après les événements révolutionnaires de 1919. La révolution d’Octobre a eu une influence significative sur ceux qui ont créé les conditions pour la fondation du parti socialiste égyptien en 1921, qui devint le parti communiste en 1922. En Afrique du Sud, comme en Egypte, les ouvriers étrangers ont joué un rôle clé en introduisant le marxisme, et les premières organisations socialistes étaient majoritairement composées d’Européens.» Ainsi en Algérie, le PC naît dans le giron du PCF en 1920 avant de devenir autonome en 1936. Quant au PC sud-africain, créé en 1921, il rencontra un écho puissant auprès des mineurs blancs qui allèrent jusqu'à déclencher une mini révolution en 1922... et ne s'ouvrit aux Noirs que plus tardivement.

Image du site du PC sud-africain, né en 1921. En bonne place on trouve les portraits de Marx et Lénine. (SACP)

Si Octobre 1917 n'a finalement eu que peu de conséquences directes et immédiates en terre africaine, la graine était plantée. Les idées de révolution et d'indépendance n'ont cessé de croître et les leaders socialistes africains (Kwame Nkrumah, Ahmed Sékou Touré, Jomo Kenyatta, Kenneth Kaunda, Amílcar Cabral ou Julius Nyerere...) sont apparus lors des luttes nationales de l'après-Seconde guerre mondiale. Les idées socialistes se sont alors souvent perdues dans la copie d'un modèle soviétique (voire plus rarement chinois) peu efficace et dans les drames de la Guerre froide sans réussir à construire des modèles viables ou porteurs d'espoir.


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