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Les réseaux sociaux au cœur des violences xénophobes en Afrique du Sud

La politique, le corporatisme syndical et l’effet toxique des réseaux sociaux ont contribué à la crise.

Article rédigé par Jacques Deveaux
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 5min
Scène de pillage à Johannesburg le 2 septembre 2019. (MICHELE SPATARI / AFP)

A Durban, à l’est du pays, la police est toujours en état d’alerte. Sur les réseaux sociaux, des messages ont été diffusés, appelant à des attaques contre des entreprises tenues par des étrangers. L’enquête de la police a conduit à l’arrestation d’un homme de 27 ans qui en serait à l’origine.

Des étrangers résidant à Durban, contactés par le Daily News, ont confirmé que la psychose régnait et qu’on leur avait conseillé de rester chez eux. "Nous avons peur de quitter notre maison", précise un Malawien. "On nous a dit qu’on serait attaqué, aussi on reste où on est." L’homme habite le quartier de Chesterville à l’ouest de Durban et travaille comme jardinier. Selon lui, plusieurs ressortissants du Malawi ont décidé de rester ensemble et en nombre, pour prévenir toute attaque. "Tous les étrangers ont peur, dit-il. A tout moment on peut être attaqué."

Les commerces étrangers menacés

Selon le porte-parole de la Police de la province du KwaZulu-Natal, le colonel Thembeka Mbele, des menaces contre les étrangers et des messages d’incitation à des attaques concernaient la petite ville d’Underberg, à la frontière avec le Lesotho.

"Le 6 septembre 2019, une vingtaine d’entrepreneurs étrangers d’Underberg ont signalé à la police un message sur Facebook appelant la population à attaquer les étrangers et leurs entreprises dans la région. Les noms des entreprises à attaquer étaient mentionnés dans le message."

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L’enquête de la police a conduit à l’arrestation d’un suspect. Son ordinateur a été saisi pour de plus amples investigations. Une procédure pour intimidation et incitation à la violence publique a été ouverte.
Tous ces messages publiés sur les réseaux sociaux inquiètent le gouvernement. Il a lancé une stricte mise en garde face au développement des fausses informations sur les attaques xénophobes, menaçant de poursuites judiciaires les contrevenants.

Qui a intérêt à cette violence ?

Le président Cyril Ramaphosa a condamné tous ceux qui alimentent un climat de peur et de confusion. Ainsi de vieilles vidéos et photos tourneraient sur les réseaux sociaux. De fausses alertes sur des violences présumées à l’égard des étrangers circulent également. "Tout ceci, ainsi que des propos guerriers, n’a pas d’autres intentions que d’entretenir un climat de tension entre Sud-Africains et les autres Africains", a déclaré le président.

Selon le quotidien Mail & Guardian, les services de la sécurité intérieure ont dans leur collimateur des membres du syndicat des chauffeurs routiers (ATDF) qui ont tenu plusieurs réunions dans différents quartiers de Gauteng. Les manifestations, et notamment les barrages routiers, ont été marqués par des débordements. Des camions ont été attaqués et incendiés. Des chauffeurs étrangers ont également été agressés.

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Les hautes instances de la sécurité se sont également interrogées sur les motivations politiques derrière la flambée de violence. Leur hypothèse serait que cette violence fait partie d’une campagne pour déstabiliser le président Cyril Ramaphosa. L’objectif étant pour les routiers de faire fuir les chauffeurs étrangers.
Certains médias du Zimbabwe font état des menaces lancées par ATDF sur les chauffeurs étrangers dont l’activité serait, selon le syndicat, illégale en Afrique du Sud.

Le syndicat des routiers visé

ATDF a vivement rejeté les accusations, affirmant son attachement à la non-violence. Il n’empêche, les médias rapportent des scènes de blocages à plusieurs endroits du pays. Des véhicules ainsi que leurs chauffeurs ont été parqués pendant plusieurs heures. Mais sur 300 camions bloqués, aucun chauffeur n’a été blessé.

L’incendie d’un vieux bâtiment à Johannesburg, le 2 septembre 2019, a été le déclencheur de scènes de lynchages et de pillages. La mort accidentelle de deux personnes a été exploitée par certains pour régler des comptes avec la communauté étrangère. Mais qui est derrière ? Aucun journal ne le dit.

La lenteur du gouvernement à réagir n’a rien arrangé. Selon Mail & Guardian, Ramaphosa aurait été lâché par son cabinet. Les ministres en charge de la sécurité se sont réunis tardivement, après trois jours d’émeutes. Du jamais vu selon les observateurs sud-africains. Tout cela permettrait de discréditer Cyril Ramaphosa et, qui sait, d’envisager sa succession.

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