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Paul Biya, un hôte de plus en plus encombrant pour la Suisse

Les manifestations se multiplient devant le palace genevois où séjourne le président du Cameroun.

Article rédigé par Jacques Deveaux
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 2 min
Le 29 juin 2019, la police est intervenue pour disperser les manifestants devant l'hôtel où séjourne le président camerounais Paul Biya, à Genève, en Suisse. (FABRICE COFFRINI / AFP)

Ce n’est pas tous les jours que la police utilise les gaz lacrymogènes à Genève. Ce fut pourtant le cas samedi 29 juin 2019. Il s’agissait de séparer deux groupes de manifestants, l’un favorable au président camerounais Paul Biya et l’autre d’opposants. Point de convergence prévu, l’hôtel Intercontinental où logerait le président.

"Ce dictateur a pris ses habitudes à l'hôtel Intercontinental, où il dilapide des milliards de nos francs, alors que le pays est économiquement malade. On ne peut pas l'accepter", a déclaré à l’AFP Robert Wanto, responsable du Conseil des Camerounais de la diaspora. Pour les opposants camerounais, en effet, Paul Biya a la réputation de passer plus de temps à l’étranger que dans son propre pays. Depuis 1982 et son arrivée au pouvoir, il séjourne très régulièrement à l’Intercontinental de Genève.

Une ONG, the Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP), a fait le calcul du temps passé à l’étranger par Paul Biya. En 35 ans de pouvoir (l’enquête s’arrête en 2017), il aurait séjourné au moins quatre ans et demi à l’étranger, sans compter les voyages officiels. En 2006 et 2009, il a passé le tiers de l’année hors de son pays.

Et Paul Biya ne voyage pas seul. Une cinquantaine de personnes l’accompagnent. Toujours selon OCCRP, le séjour dans le palace genevois s’élève à 40 000 dollars la journée (35 000 euros).

Y est-il actuellement ? Malgré les manifestations des opposants devant l’hôtel, nos confrères suisses utilisent tous le conditionnel. Il n’empêche, les incidents se multiplient, jusque dans le hall même du palace. Mardi 25 juin, une quarantaine de militants ont forcé l’entrée et se seraient battus avec des membres des services de sécurité du président. Information non confirmée par la police genevoise, nous dit Le Point.

N’empêche, deux jours plus tard, c’est un confrère de la RTS qui est empêché de travailler par des gros bras, alors qu’il réalise des interviews d’opposants devant la tour sans charme, qui abrite l’hôtel.


Cela commence à faire beaucoup aux yeux du pouvoir bernois, qui a convoqué l’ambassadeur camerounais pour protester contre l’agression du journaliste. Une Confédération helvétique bien embarrassée, car elle joue les médiateurs dans le conflit qui oppose le pouvoir de Yaoundé aux séparatistes anglophones. Certes, les discussions en sont à un stade préliminaire, selon le ministère suisse des Affaires étrangères, mais toute cette agitation tranche avec la discrétion nécessaire à ce genre de négociations.

Ainsi, la Suisse accueille un homme de plus en plus critiqué. Le conflit dans la zone anglophone a déjà fait 1850 morts et déplacé 530 000 personnes. Quant à l’opposant Maurice Kamto, second de la présidentielle qualifiée de "hold-up électoral", il dort en prison, depuis le mois de janvier 2019.

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