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Peine de mort: des candidats-bourreaux prêts à servir au Zimbabwe

Ils sont une cinquantaine à solliciter le poste de bourreau au Zimbabwe. Dans ce pays qui autorise la peine de mort par pendaison, personne n’avait été exécuté depuis que le dernier bourreau a pris sa retraite en 2005. Mais le président Robert Mugabé veut mettre fin à la pause. Il réclame la restauration de la peine capitale. «C’est affligeant», confie à Géopolis Tchérina Jerolon de la FIDH.
Article rédigé par Martin Mateso
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 4min
Deux Somaliens condamnés à mort attendent d'être fusillés sur un peloton d'exécution à Mogadiscio, le15 juillet 2014. (Photo AFP/Mohamed Abdiwahab)

Pour appuyer sa demande, le président zimbabwéen Robert Mugabé, âgé de 93 ans, explique qu’il ne veut plus d’un pays où les gens s’entretuent. Un rapport de la police dont il n’a pas donné les détails aurait conclu à l’augmentation inquiétante des crimes dans son pays. Et pour y mettre un terme, il pense qu’on devrait restaurer la peine de mort.

«C’est affligeant. Cette déclaration est totalement à contre-courant du processus engagé en faveur de l’abolition de la peine de mort. Ce sont des arguments qui sont mis en avant par les défenseurs du maintien de la peine de mort. Aucune étude n’a prouvé que le taux de criminalité a augmenté dans un pays suite à l’abolition de la peine capitale», explique Tchérina Jerolon, du bureau Afrique de la FIDH, la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme.
Tchérina Jerolon est responsable adjointe du bureau Afrique de la FIDH, la Fédération internationale des ligues des droits de l'Homme. (Photo/FIFH)

«La peine de mort ne se résume pas aux emplois offerts aux bourreaux»
Pour elle, le Zimbabwe est un Etat abolitionniste de fait. La Constitution de 2013 réduit considérablement le champ d’application de la peine capitale. Elle n’est plus applicable contre les femmes ni contre les hommes de plus de 70 ans. Elle réduit aussi le nombre de crimes passibles de cette peine. Aucune exécution n’a eu lieu depuis 12 ans, rappelle-t-elle.

«C’est vrai que l’absence de candidats-bourreaux pour appliquer la peine de mort y a contribué. Mais la question de la peine de mort ne peut se résumer à des emplois offerts aux bourreaux. Dans certains pays voisins du Zimbabwe, comme le Botswana, qui maintiennent la peine de mort et qui procédent encore à des exécutions, il y a des bourreaux qui se sont exprimés publiquement pour expliquer en quoi leur tâche avait des impacts importants sur le plan psychologique, sur le plan familial et social. Parce que dans la société, il n’est pas facile de se présenter en disant qu’on est bourreau.» 
 
«La peine de mort, c’est non en toute circonstance»
Comment la volonté d’un seul homme peut décider, du jour au lendemain, la restauration de la peine capitale?, s’interroge-t-elle. Au Zimbabwe, 92 prisonniers attendent dans les couloirs de la mort. Pour la FIDH, rien ne peut justifier leur mise à mort.

«La peine de mort, c’est non en toute circonstance. Il n’y a pas de de matière à tergiverser là-dessus. Il a été démontré que la peine de mort a souvent été prononcée et appliquée à l’issue de procédures judiciaires iniques contre des opposants politiques, contre des personnes gênantes pour les autorités. Elle est prononcée aussi de façon arbitraire et injuste contre des personnes qui n’ont pas les moyens de s’assurer une défense… L’argument de dire qu’il faut prendre la vie à ceux qui la prennent aux autres ne tient pas la route», soutient Tchérina Jerolon.

Pour la FIDH, les Etats ont la responsabilité de développer des structures judiciaires fortes et capables de répondre aux crimes qui sont perpétrés. La réponse ne se trouve pas dans l’application de la peine de mort. Elle se trouve dans la prise de mesures de prévention des crimes, dans le renforcement des structures judiciaires qui puissent permettre aux victimes des terroristes et des différentes crises, de retrouver justice et réparation.

Tchérina Jeloron note que 70% des pays africains sont «abolitionnistes en droit ou en fait» et que «le mouvement est en marche sur le continent». Elle rappelle que parmi les premiers actes forts posés par les nouvelles autorités gambiennes figure la ratification du document consacrant l’abolition de la peine de mort. C'est dire à quel point la volonté politique est primordiale dans ce processus d'abolition de la peine de mort, conclut-elle.

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