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Pourquoi la Gambie est championne d'Afrique des migrations vers l'Europe
En 2016, les Gambiens avaient été marqués par la mort de la gardienne de l’équipe de foot féminine de Gambie lors d’une tentative de traversée de la Méditerranée. Aujourd’hui, c’est le témoignage de Karamo Keita, un jeune homme qui a raconté les horreurs de sa traversée de la Libye qui mobilise l’opinion de son pays, champion d'Afrique (en proportion) pour les départs vers l'Europe.
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Karamo Keita a vécu l'enfer de la route vers l'Europe. aujourd'hui avec ses amis, il tente d'informer ses compatriotes des dangers du voyage et veut briser leur rêve européen. De retour à Banjul, la capitale gambienne, Karamo Keita a fondé avec d'autres migrants, victimes comme lui de terribles abus pendant leur périple à travers le Sahara, une association pour réclamer aux nouvelles autorités la création d'emplois en Gambie. Surtout, il veut casser le mythe qu'une vie meilleure en Europe est facilement atteignable via le «backway», le nom que les Gambiens, anglophones, donnent à la route de l'émigration.
La Gambie, championne de l’émigration vers l’Italie
La Gambie a le plus haut taux de migrants traversant la Méditerranée par habitant, a relevé l'Organisation internationale pour les migrations (OIM). Plus de 5.400 Gambiens ont atteint cette année l'Italie après une traversée périlleuse depuis la Libye, selon les chiffres de l’OIM. Malgré une légère baisse des départs en 2016, le voyage vers l'Europe reste sur toutes les lèvres en Gambie, où chacun connaît un fils, un cousin ou une nièce ayant embarqué dans un bus à destination du Niger puis de la Libye. On estime d’ailleurs que quelque 6.000 Gambiens sont actuellement coincés en Libye.
Pour comprendre cette situation, il faut voir que la situation économique du pays n'est pas brillante. Et les Gambiens constatent que ceux qui reçoivent de l'argent de leurs proches à l'étranger s'en sortent mieux que les autres.
Karamo Keita: «Des Libyens nous vendaient comme esclaves»
Comme ses camarades, Karamo Keita pense que nombre de ses concitoyens ont une image idéalisée de ce qui les attend, souvent forgée par les photos postées sur les réseaux sociaux par des Gambiens ayant franchi la Méditerranée.
Dans un récit poignant, rapporté par l'AFP, destiné à mettre en garde les jeunes qui l'entourent, M.Keita raconte avoir payé des pots-de-vin exorbitants au Burkina Faso, puis attendu longuement un passeur à Agadez, au Niger, avant d'arriver en Libye, où son cauchemar a vraiment commencé.
«En Libye, les Noirs n'ont pas de droit, n'ont pas leur mot à dire», explique le jeune homme, en se souvenant avoir travaillé des jours entiers, sans être payé, pour des intermédiaires devant le conduire jusqu'au nord du pays, vivant dans la crainte des kidnappeurs et de la police.
«On nous faisait passer de ferme en ferme, où des Libyens nous vendaient comme "esclaves"», dit-il. «On travaillait constamment. Certains étaient abattus s'ils travaillaient trop lentement. Tout ce qu'on pouvait faire, c'était prier de nous
en sortir vivant...»
Le pire est survenu en janvier quand, arrivé dans la capitale Tripoli, il est tombé dans les filets de la police. «On a pris mon argent et mon téléphone. Des soldats nous ont entièrement déshabillés et battu jusqu'à l'aube», se souvient-il. Après trois mois de détention, Karamo Keita a pu prendre un avion de l'OIM pour Banjul début avril.
Un nouveau président à Banjul: Adama Barrow
La situation économique et géographique de la Gambie est sans doute la cause principale de ces départs. La Gambie, plus petit pays d’Afrique continentale avec une superficie de 11.300 km², est imbriquée dans le territoire sénégalais. Avec 1,8 million d’habitants, dont 46% de moins de 15 ans, le pays a la plus forte densité d'Afrique de l’Ouest avec 171 habitants par km². Il faut ajouter à cela une forte pression démographique (+3,2%) sur un territoire géographiquement contraint et une situation politique longtemps difficile.
L’élection d’Adama Barrow à la présidence de la République le 1er décembre 2016 représente le premier changement démocratique à la tête de l’Etat depuis l’indépendance de la Gambie. Adama Barrow a succédé à Yahya Jammeh qui a dirigé le pays de manière autoritaire et fantasque pendant 22 ans.
Mais après un mois et demi de crise post-électorale, le président élu se retrouve confronté à d'importants défis tant au plan politique, sécuritaire qu’économique.
La croissance économique qui avait atteint 4,7% en 2015 devrait baisser à 2% en 2016 à cause de la chute de la fréquentation touristique et en partie à cause de la crise électorale de décembre 2016.
«La Gambie est une économie petite et ouverte, qui repose sur l’agriculture et le tourisme. Elle reste donc très vulnérable aux changements climatiques et aux chocs extérieurs. L’incohérence des politiques, les dépenses élevées et les conditions météorologiques défavorables de ces dernières années ont pesé sur le potentiel économique et la maîtrise budgétaire du pays», note la Banque Africaine de Dévéloppement qui estime que la croissance devrait repartir en 2017 (3,5%) et 2018 (4,8%).
Le président Adama Barrow, qui fut lui-même agent de sécurité à Londres, est conscient des difficultés. «Les jeunes prennent le risque d'entreprendre ce voyage. Vous ne pouvez pas les en blâmer. Ils ont atteint un tel niveau de frustration», a-t-il déclaré fin juillet dans une interview à l'AFP.
Reste à savoir si les espoirs de croissance et l'association de Karamo Keita suffiront à lutter contre ce sentiment de «frustration» qui emmène les jeunes Gambiens sur la route tragique de l'Europe. Une «backway» qui avait notamment couté la vie à Fatim Jawara, la goal de l’équipe féminine de football de Gambie disparue en Méditerranée en tentant de gagner l’Italie à l’âge de 19 ans.
Reste à savoir si les espoirs de croissance et l'association de Karamo Keita suffiront à lutter contre ce sentiment de «frustration» qui emmène les jeunes Gambiens sur la route tragique de l'Europe. Une «backway» qui avait notamment couté la vie à Fatim Jawara, la goal de l’équipe féminine de football de Gambie disparue en Méditerranée en tentant de gagner l’Italie à l’âge de 19 ans.
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