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Prix Bayeux 2017 des correspondants de guerre: de Mossoul à Juba

Le prix Bayeux-Calvados des correspondants de guerre a été dominé, cette année encore, par le Proche-Orient avec la bataille de Mossoul (Irak) primée dans toutes les catégories: presse écrite, télévision, radio et photographie. Le continent africain semblait un peu en dehors des radars des reporters réunis en Normandie, à l'exception du Soudan du Sud.
Article rédigé par Michel Lachkar
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 4 min
A Bentiu, au Soudan du Sud, des maisons partent en fumée après avoir été touchées par les bombes des forces armées soudanaises (14 avril 2012) (Adrianne Ohanesian)

Toujours donner à voir les confits du monde. Comme chaque année, les reporters de guerre réunis à Bayeux, dans le Calvados, nous ont montré les coins sombres du monde. Mossoul aura été sans conteste la grande bataille de l’année 2017, avec de nombreux journalistes en première ligne, «embedded» avec les forces spéciales irakiennes.

Plusieurs ont été récompensés samedi 7 octobre 2017. Le caméraman Olivier Sarbil, deux fois primés pour son documentaire La bataille de Mossoul (prix TV grand format et prix de l'image video) filmé au plus près des soldats irakiens de la Golden Division et des civils.

Mossoul encore avec un prix photo remis à Ali Arkady pour son reportage Kissing Death et à Antoine Agoudjian pour La conquête de Mossoul ouest. Mossoul toujours avec Gwendoline Debono (Europe 1) pour son reportage radio L'entrée dans Mossoul et Samuel Forey (Le Figaro) pour sa série d'articles intitulée Mossoul, cinq offensives pour une bataille.

Un des clichés du reportage photo «Kissing Death», signé par le photographe irakien Ali Arkady (VII Photo agency), qui a été récompensé le 7 octobre 2017 par le prix Bayeux-Calvados des correspondants de guerre. 
 (ALI ARKADY / VII PHOTO AGENCY / AFP)


Un reportage poignant sur la Syrie de la journaliste Waad Al-Kateab a été également distingué à deux reprises. La jeune femme, qui continue de vivre discrètement dans son pays, a gagné le Trophée télévision - prix Amnesty International et le Prix région des lycéens et apprentis de Normandie pour Le dernier hôpital d'Alep tenu par les rebelles. Le reportage a été réalisé après l'effondrement d'un immeuble en novembre 2016 à Alep pour la chaîne britannique Channel 4 News. 

Soudan du Sud, conflit oublié
Pas de récompense mais les reporters de guerre ont montré à Bayeux les images de conflits oubliés. Le documentaire Wrong Elements sur l’Armée de Résistance du Seigneur (LRA), réalisé par l’écrivain et documentariste Johanathan Little était présenté, après une première projection à Cannes.

La LRA, secte dirigée par Joseph Kony, a constitué une armée qui enlevait des adolescents – plus de 60.000 en 25 ans –, dont moins de la moitié sont ressortis vivants des forêts ougandaises. L’écrivain fait parler trois amis kidnappés à l’âge de 12 ans. Devenus des tueurs, ils reviennent sur les lieux qui ont marqué leur enfance volée.


Geofrey, l'un des protagonistes du documentaire de Jonathan Littell, «Wrong Elements». Photo du film. (DR)


La photographe américain Adriane Ohanesian, quant à elle, a raconté dans une exposition photo remarquée le drame du Soudan du Sud. Un pays où les femmes, pour aller chercher du bois ou de la nourriture, ont le choix entre le viol ou la mort. Et l’impunité invite toujours à la récidive.

Le film Soudan du sud : la guerre, la faim, les rebelles de Charles Emptaz, Olivier Jobard et Antonela Bevenja pour Arte a été également remarqué. Assiégé dans la région de Waat par les troupes gouvernementales, qui lui sont hostiles, et encadré par l'armée rebelle qui le protège tout en l'entraînant vers les plus grands dangers, le peuple Nuer est menacé dans son existence. Les ONG, qui ont été attaquées, ont déserté.

Et partout, la faim et la soif pèsent sur les dizaines de milliers de civils déplacés. Femmes et enfants sont jetés sur les chemins de l'exode au moment où la saison des pluies transforme chaque trajet en épopée. 900.000 Soudanais du Sud de cette région de l'est du pays ont déjà passé la rivière qui les sépare de l'Ethiopie. Au total, ils sont près de deux millions à fuir la guerre. Quant aux hommes, ils n'ont pas d'autre choix que de se battre pour défendre la terre de leurs ancêtres. 
 
Présenté également à Bayeux, le reportage vidéo d’Omar Ouahmane dans la ville libyenne de Syrte (qui a vu naître et mourir le colonel Mouammar Kadhafi). Elle a été le théâtre de violents combats contre les membres de l’organisation Etat Islamique et un journaliste néerlandais vient d'y trouver la mort. 

Lac Tchad, sur les traces de Boko Haram 
C'est dans les îles du lac Tchad que la photographe Bénedicte Kurzen s’est rendue.

Cet espace impénétrable et incontrôlable est le refuge des djihadistes de Boko Haram. Seules les populations de pêcheurs qui y vivent depuis des siècles connaissent les dédales des îles et des marécages. Certains ont toutefois partagé leur secret avec les terroristes. 

De son coté, toujours au Tchad, le documentariste Pop Benet a choisi de suivre un pédiatre espagnol dans un hôpital de province, où mères et enfants arrivent, le plus souvent trop tard. Il signe ainsi The Most beautiful Hell I know.



Hommage à ceux qui sont tombés pour informer
La rencontre annuelle des reporters de guerre a commencé par le dévoilement d’une stèle qui porte les noms des 56 reporters morts entre juin 2016 et juin 2017.

En Irak, notamment, comme nos confrères Véronique Robert, Stéphan Villeneuve et Bakhtiyar Haddad, journaliste et fixeur kurde irakien, tués au cours de la bataille de Mossoul. Ce dernier a sauté sur une mine qui a également pris la vie des deux journalistes du magazine Envoyé Spécial de France 2.

Les 130 journalistes emprisonnés en Turquie étaient également au centre des inquiétudes de la profession à Bayeux. Sans oublier les 11 journalistes mexicains tués cette année par les narcotrafiquants en toute impunité.

La profession est en permanence meurtrie, mais elle continue à témoigner pour tenter de décrypter tous ces conflits qui ensanglantent le monde. 

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