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Un activiste gabonais compare son pays à "un bateau ivre, sans gouvernail et sans capitaine"

La polémique autour de la vacance du pouvoir au Gabon est loin d’être terminée.

Article rédigé par Martin Mateso
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
L'activiste Marc Ona Essangui est membre du collectif gabonais Appel à agir. Pour lui, personne n'est plus aux commandes de son pays. (Photo de Marc Ona Essangui/Capture facebook)

Les services du président gabonais l’ont martelé à plusieurs reprises : Ali Bongo tient parfaitement les rênes du pays. Ceux qui soutiennent le contraire sont des habitués aux coups d’éclats médiatiques et à la propagation de rumeurs dans la presse et sur les réseaux sociaux, affirmait début décembre 2019 le porte-parole de la présidence de la République gabonaise, Jessye Ella Ekongha.

"Un pays à la dérive"

Affaibli par un accident vasculaire cérébral (AVC) fin octobre 2018, le président Ali Bongo est longtemps resté en retrait de la scène politique de son pays. L’activiste gabonais Marc Ona Essangui dénonce l’imposture. Pour lui, personne n’est plus aux commandes du Gabon qu’il décrit comme un pays à la dérive.

Je qualifierais le Gabon aujourd'hui comme un bateau ivre. Sans gouvernail et sans capitaine

Marc Ona Essangui, membre du collectif Appel à agir

à franceinfo Afrique

Réunis au sein du collectif Appel à agircréé en février 2019, Marc Ona Essangui et d’autres personnalités de la société civile et de l’opposition ont réclamé, en vain, un examen médical du président pour établir s’il était apte à diriger le pays. Les procédures engagées auprès de la justice gabonaise se sont heurtées à une fin de non-recevoir. Le pouvoir accuse le collectif d’essayer de "déstabiliser les institutions".

Une bataille procédurale pour une expertise médicale

Marc Ona explique à franceinfo Afrique les démarches entreprises, sans succès, par Appel à agir au niveau du tribunal de première instance, puis auprès de la cour d’appel qui a validé leur demande avant que la Cour de cassation n’y oppose son veto.

"La juge de la cour d’appel qui a pris ses responsabilités pour qu’il y ait un débat contradictoire, a été suspendue. La procédure n’est donc pas allée jusqu’à son terme. Elle a été stoppée net. Pourquoi ils ne veulent pas aller au fond de l’affaire s'ils n’ont rien à se reprocher ?", interroge Marc Ona Essangui.

La dernière tentative d’obtenir une expertise médicale du président a connu le même sort auprès de la Cour constitutionnelle, accusée par ses détracteurs de ne pas avoir joué son rôle dans cette affaire. "La Cour constitutionnelle, au lieu de déclarer la vacance du pouvoir, a laissé le pays entre les mains du directeur de cabinet d’Ali Bongo qui s’est même permis d’effectuer une tournée républicaine à travers le pays. Jusqu’à ce que ce monsieur soit finalement arrêté pour détournement de fonds publics. Qui a confié autant de pouvoir à un directeur de cabinet en violation de la Constitution ? C’est Ali Bongo. L’autre en a profité pour faire tout ce qu’il voulait au nom du président", dénonce l’activiste gabonais.

"Non, nous ne sommes pas une monarchie"

Marc Ona constate que le pouvoir persiste dans le déni et la fuite en avant. La preuve, affirme-t-il, c’est que le président Ali Bongo a nommé récemment son fils, Noureddin Bongo Valentin, au poste de coordinateur des Affaires présidentielles, avec des prérogatives plus importantes que celles du vice- président.

"Il y a déjà un vice-président qui est censé jouer pleinement ce rôle au niveau de la présidence. Nous ne sommes pas une monarchie. Chez nous, vous ne pouvez pas accorder de telles prérogatives à un individu qui n’est pas constitutionnellement identifié dans la chaîne des institutions de la République", plaident Marc Ona Essangui et le collectif Appel à agir.

Pour le collectif, Ali Bongo a fait "le choix de la succession par la voie la plus détestable et la plus abjecte qui soit : le droit du sang, consacrant ainsi la dévolution monarchique"Des accusations qualifiées de "pure spéculation et de procès d'intention" par le porte-parole du président gabonais, Jessye Ella Ekogha.

Noureddin Bongo Valentin a toutes les compétences et l'expérience requises ainsi que la confiance absolue du chef de l'Etat qui est libre de choisir ses collaborateurs

Jessye Ella Ekogha, porte-parole du président gabonais

Lors d'une conférence de presse à Libreville

Selon un journaliste de Jeune Afrique qui a pu rencontrer Ali Bongo à Libreville en juillet 2019 et échanger longuement avec lui, le chef de l’Etat gabonais suivrait un régime draconien, mais s’exprime normalement. "Ses facultés intellectuelles semblent intactes. Il se déplace seul, à l’aide d’une canne", a constaté notre confrère.

Le clergé catholique gabonais déplore "une situation chaotique"

La polémique autour de la vacance du pouvoir au Gabon inquiète de nombreux Gabonais, y compris dans les milieux du clergé. Le 8 décembre 2019, le président de la Conférence épiscopale, Monseigneur Mathieu Madega, a déploré "la situation chaotique" que traverse son pays. Le pouvoir institutionnel ne devra être "ni une girouette dirigée par le vent, ni un ensemble d’aventuriers… Le pouvoir devra être crédible et accepté d’abord par les populations qu’il est censé représenter et servir", a-t-il plaidé lors d’un sermon cité par le site d’information Gabon News.

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