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Y a-t-il vraiment des soldats américains en Algérie?

Des militaires américains sont-ils basés en Algérie? Le questionnement est parti d’une audition à la Chambre des représentants du général Thomas D.Waldhauser, patron de l’US Africa Command (Africom), qui coordonne les activités militaires des USA en Afrique. Les presses algérienne et marocaine s’interrogent. En 2010, «Le Canard» et «VSD» évoquaient déjà une «base US secrète en Algérie».
Article rédigé par Laurent Ribadeau Dumas
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min

Le 4 octobre 2017, quatre militaires américains et cinq Nigériens étaient tués lors d’une embuscade au Niger. L’affaire a soulevé un vif émoi Outre-Atlantique.

Cinq mois plus tard, le 6 mars 2018, la commission des forces armées de la Chambre des représentants des Etats-Unis auditionne le général Thomas Waldhauser, chef de l’Africom. Lequel commande 6000 militaires américains officiellement déployés sur le continent (d’autres sources font état de 13.000 hommes). Selon le très sérieux New York Times, repris par le Washington Post, un représentant démocrate du Connecticut, Joe Courtney, explique que des soldats déployés dans des pays comme «l’Algérie, le Tchad, l’Egypte et le Kenya» touchent une «prime de danger imminent» de 225 dollars par mois (environ 181 euros). «Mais ce n’est pas le cas des gens qui servent au Niger et au Mali», fait remarquer le parlementaire à l’officier supérieur.


En fait, entre temps, le Pentagone a ajouté ces deux pays à une liste, en date de novembre 2016, qui recense les Etats où s’applique la fameuse prime, rapporte le Post. «Un changement qui reflète l’évolution des risques en Afrique de l’Ouest», commente le quotidien de la capitale fédérale.

Mais l’Algérie? Effectivement, le document du Pentagone mentionne que l’«imminent danger pay» est effective pour les personnels militaires évoluant dans ce pays depuis le «7 mars 1995». Pourquoi cette date? On n’en saura pas davantage.

Mais il n’en a pas fallu plus pour que les presses algérienne et marocaine s’emparent du sujet. «Si la présence américaine dans tous ces pays cités (dans le document du Pentagone) ne faisait pas l’ombre d’un doute, en Algérie, par contre, c’est une surprise de taille», explique le site marocain Le360. Un propos assorti de commentaires acerbes sur Alger: le vieux contentieux opposant depuis des décennies Alger à Rabat à propos du Sahara occidental est toujours d’actualité…

Une base à Tamanrasset?
Résultat: Le360 prend l’information américaine pour argent comptant. Côté algérien, les sites sont plus prudents. Les éléments rapportés par le New York Times et le Washington Post «ne constituent pas (…) la preuve d’une présence de forces armées américaines sur le territoire algérien», commente le site TSA. «Officiellement, aucun soldat étranger n’est déployé en Algérie», ajoute-t-il. On notera le mot «officiellement»: officieusement, rien n’est dit.

«Selon sa Constitution», ce pays «n’autorise pas le déploiement de troupes étrangères sur son territoire, de même qu’(il) n’autorise pas ses forces armées à opérer au-delà de ses frontières», précise ObservAlgerie.com. Et de citer le porte-parole de l’ambassade américaine à Alger: «Il y a eu une mauvaise interprétation des propos (à la Chambre des représentants). Les personnes concernées par cette prime de risque en Algérie sont les militaires affectés à la sécurité des diplomates.» Il ajoute: «Nous n’avons pas de troupes (…) en Algérie. Nous avons un personnel chargé de la sécurité sur place dans l’enceinte de l’ambassade, ou d’autres qui viennent occasionnellement, lors des visites de responsables américains de l’Africom pour une durée limitée.»

On n’est pas obligé de croire tout ce que dit le porte-parole… D’autant que ce n’est pas la première fois qu’est évoquée une présence militaire américaine en Algérie. Le360 évoque ainsi «des informations selon lesquelles les Etats-Unis disposeraient d’une base secrète au Tassili, au sud-est de l’Algérie, depuis le début des années 2000».


«Le Canard Enchaîné, ainsi que divers médias algériens, avaient aussi fait part de cette présence américaine à cette époque à Tamarasset, à l’extrême sud du pays, où une entreprise américaine (BRC, filiale de Halliburton) avait construit une base militaire selon les normes américaines. Il a été admis que cette base était algérienne mais qu’une antenne d’écoute sophistiquée de la CIA y était logée», affirme le site marocain.

Le360 ne cite pas ses sources algériennes. Concernant le journal satirique français, ce dernier évoque effectivement, dans son édition du 22 septembre 2010, une «base US secrète» installée à Tamanrasset. «Sous le contrôle de la célèbre National Security Agency (Agence nationale de la sécurité des Etats-Unis, NSA), (…) 400 experts barbouzards y pratiquent l’enregistrement des téléphones cellulaires et satellitaires, très utilisés par les groupes terroristes», écrit Le Canard. Information confirmée par VSD (édition du 6 au 13 octobre 2010).



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