Cohabitation en RDC: quelle marge de manœuvre pour le nouveau président?
C’est désormais officiel : Félix Tshisekedi va s’installer aux commandes de la RDC pour 5 ans. Reste à savoir quelle sera sa marge de manœuvre. Il devra composer avec un Premier ministre nommé par Joseph Kabila. Un "attelage bien bancal" qui suscite méfiance et interrogations.
Les virulentes contestations contre la victoire de Félix Tshisekedi à la présidentielle du 30 décembre 2018 n’y ont rien fait. Les appels à manifester lancés par son adversaire malheureux Martin Fayulu sont pour l’instant restés sans écho.
Des chefs d’Etat africains lui ont officiellement adressé leurs félicitations. "Ce n’est pas la victoire d’un camp contre un autre… Nous allons former un Congo réconcilié et fort", a déclaré le nouveau président. Félix Tshisekedi considère désormais le président Kabila comme un partenaire, auquel il a rendu hommage. Il devra d’ailleurs cohabiter avec un Premier ministre issu de la majorité de son prédécesseur, qui a remporté les élections législatives.
De quoi inspirer le site congolais d’information Politico, qui salue les performances de "Kabila l’artiste", le "Maestro" de la scène politique congolaise. "L’artiste a joué, avec une précision diabolique, sa martingale politique. Il chute sans chuter. Il quitte le pouvoir sans le perdre. Il faudra bien rendre au César congolais, les hommages qui lui sont dus", s’exclame Politico.
"Il aura la fonction, mais pas le pouvoir"
De nombreux observateurs s’interrogent désormais sur la marge de manœuvre du nouveau président congolais face au chef de l’Etat sortant Joseph Kabila. En effet, ce dernier disposera d’une majorité confortable à l’Assemblée nationale avec près de 350 députés sur 485 élus. "C’est juste un nouveau président. Il aura la fonction, mais pas le pouvoir. Le président élu n’a aucune majorité absolue nulle part. Pas de gouverneurs de provinces, rien. Donc, difficile d’imposer son plan s’il ne conclut pas un accord avec Kabila", observe le politologue et écrivain congolais Dieudonné Wamu Oyatambwe au micro de la RTBF.
Une cohabitation issue d’un "processus électoral opaque"
Interrogé par RFI, l’ancien ambassadeur de France en RDC, Pierre Jacquemot, explique que des hommes proches de Kabila resteront aux postes clés de l’appareil sécuritaire, judiciaire et politique du pays et que le président sortant aura une influence dans la gestion des intérêts miniers. Il accorde au nouveau président, une marge de manœuvre particulièrement étroite.
On peut souhaiter bonne chance à Monsieur Tshisekedi pour gérer une situation très compliquée et qui est le résultat d'un processus électoral parfaitement opaque.
Pierre Jacquemot, ancien ambassadeur de France en RDCAu micro de RFI
Pour le quotidien congolais Le Potentiel, la coalition que dirige Joseph Kabila restera aux commandes du pays pendant les cinq prochaines années. Aux côtés d’un nouveau "président protocolaire". "Les assemblées et gouvernements provinciaux seront sous administration des pro-Kabila. L’ancien président, qui devient sénateur à vie comme le veut la Constitution, pourrait possiblement devenir le président du Sénat composé majoritairement de sénateurs issus de son camp. Ce qui ferait de lui le numéro deux du pays et remplaçant du président en cas d’empêchement", précise le journal.
Les Congolais redoutent qu’un climat de confrontation ne s’installe entre la présidence et le gouvernement, aussitôt après son installation, à l'instar de ce qui s'était produit au Niger en 1995. A la surprise générale, le Niger avait expérimenté une cohabitation au sommet de l’Etat. Le jeu politique avait été totalement bloqué pendant une année et cela avait rapidement conduit à un coup d’Etat militaire.
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