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Malgré Ebola, la consommation de viande de brousse reste prisée en Afrique
C’est un dossier des plus polémiques. La propagation du virus Ebola serait liée à la consommation de viande d’animaux sauvages. Quand le virus refait son apparition, l’interdiction de consommation tombe. Au grand dam de la population qui nie le danger. Pourtant, la pratique peut propager le virus.
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La viande d’animaux sauvages est interdite à la consommation en République démocratique du Congo, en raison de l’arrivée du virus de la fièvre Ebola. Lors de l’épidémie de 2014, la Côte d’Ivoire en avait fait de même. La consommation était passible de cinq ans de prison.
Les animaux de la forêt, comme les singes ou les chauves-souris, sont des porteurs sains de la maladie. Or la viande de chasse est très appréciée en Afrique centrale, et en Afrique de l’ouest. Dans le bassin du Congo, cela représente chaque année de 5 à 6 millions de tonnes de viande. 80% de l’apport en protéines des populations.
Danger minimisé
Du coup, c’est toute une filière qui, du chasseur aux revendeurs, est menacée par l’interdiction de consommation. Et elle se fait entendre, minimisant les risques.
Car pour les scientifiques, consommer de la viande de brousse comme on l’appelle, ne comporte aucun risque si celle-ci est bien cuite. Selon Robert Nasi, le directeur général adjoint du Centre pour la recherche forestière internationale (CIFOR ), «il n’y a quasiment aucun risque d’attraper Ebola en mangeant de la viande de brousse. Ebola s’attrape par contact des fluides d’un animal contaminé, pas avec la viande cuite ; car le virus est détruit.»
A tort, cette information scientifique est utilisée pour réclamer le droit de consommer de la viande de brousse. Or, le problème est ailleurs. La commercialisation de ces animaux sauvages favorise la propagation du virus. La viande voyage, quitte la forêt pour les marchés comme celui de Yopougon à Abidjan. Pour Eric Leroy directeur du Centre international de recherches médicales de Franceville au Gabon, «c’est surtout le dépeçage qui représente un danger, car il y a un contact direct avec les organes et le sang.»
Une tradition bien ancrée
Certes, la consommation chute en période de crise, mais manger de la viande de chasse reste une habitude tenace pour les habitants d’Afrique centrale. Pour les populations qui vivent dans les zones forestières, c’est un apport indispensable en protéines. Pour les autres, urbains fortunés notamment, la viande d’animaux sauvages est un must. Pouvoir s’en offrir marque un grand moment.
Aussi, dès la menace passée, la consommation repart, comme l’a constaté Al-Jazeera sur un marché de Lagos au Nigeria. «Ce fut difficile. Beaucoup de gens avaient peur de manger de la viande de brousse. Mais maintenant ils sont de retour et les affaires sont bonnes», témoigne un vendeur. Preuve s’il en fallait que la consommation de viande sauvage est très ancrée dans les mentalités. «Mes enfants préfèrent l’antilope à la vache», déclare une cliente. «C’est bon pour eux. La viande est plus tendre, elle a un meilleur goût, et elle les rend plus forts.»
Ebola, un bon moyen de protéger la faune
Or beaucoup des animaux chassés sont menacés de disparition. Car la pression cynégétique est trop forte dans certains lieux, comme près de Kinshasa, la capitale de la RDC. Au Cameroun, les ventes se font discrètement. «Les pourparlers vont se faire à l’ombre des regards, lorsqu’il s’agira d’un ou d’une partie de sanglier, de chimpanzé, du pangolin géant, voire du buffle… La raison tient au fait que ces espèces sont classées "espèces protégées"», raconte un habitué.
Face à la tradition, Ebola apparait désormais, par le risque qu’il véhicule, comme une arme pour lutter contre le braconnage. Un allié inattendu pour la faune sauvage.
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