République démocratique du Congo : le journaliste Stanis Bujakera Tshiamala, nouveau symbole des attaques contre la liberté de la presse dans le pays
Le journaliste congolais Stanis Bujakera Tshiamala, arrêté le 8 septembre et détenu depuis, attend que soit fixée la date de son procès en République démocratique du Congo (RDC). Cette incarcération fait suite à un article, non signé, publié sur le site du magazine Jeune Afrique.
Pour Charles Mushizi, responsable du collectif des avocats de la défense de Stanis Bujakera Tshiamala, son client fait l'objet d'une détention provisoire "irrégulière" puisque "rien" ne la justifie. "Les conditions dans lesquelles il est détenu sont exécrables", confie-t-il à franceinfo. Le journaliste de 33 ans se trouve dans la prison de Makala, à Kinshasa, "initialement prévue pour 1 600 personnes" mais où l'on en dénombre "16 000".
Il risque jusqu'à 10 ans de prison
Cofondateur et directeur de publication adjoint du site d'information congolais Actualite.cd, correspondant du mensuel Jeune Afrique et de l'agence britannique Reuters dans son pays, le journaliste est notamment poursuivi pour "faux en écriture, falsification des sceaux de l'Etat, propagation de faux bruits et transmission de messages erronés et contraire à la loi", détaille son avocat. Ces accusations "relèvent du code numérique".
Stanis Bujakera Tshiamala risque "jusqu'à dix ans de prison", "ce qui est grave pour quelqu'un qui n'a fait qu'informer l'opinion dans le cadre de sa profession", souligne encore Charles Mushizi. "[Il] est connu pour sa droiture, sa rigueur et son inflexibilité, et peut-être que c'est aussi cela que certains, au cœur du pouvoir, cherchent à lui faire payer", nous écrit Anne Kappès-Grangé, rédactrice en chef de Jeune Afrique.
Des menaces "à peine voilées"
L'article à l'origine des déboires judiciaires de Stanis Bujakera Tshiamala a été publié fin août sur le site de la revue. Il rapporte qu'"une note confidentielle rédigée par le département de la sécurité intérieure de l'Agence nationale de renseignement (ANR)" évoque "le rôle que pourraient avoir joué les renseignements militaires congolais" dans le meurtre, en juillet, de Chérubin Okende, ancien ministre et porte-parole du parti de l'opposant congolais Moïse Katumbi.
Le journaliste se "savait menacé" depuis "plusieurs mois" : "Il nous avait fait part d'inadmissibles tentatives d'intimidation, de menaces à peine voilées, de la part notamment de membres du gouvernement qui lui reprochaient de ne pas être 'avec eux'", affirme Anne Kappès-Grangé. "C'est extrêmement préoccupant. Un pays qui se revendique démocratique ne met pas ses journalistes en prison", ajoute-t-elle.
"Son incarcération, à moins de trois mois d'une élection présidentielle, est un signal très clair envoyé à l'adresse de tous les journalistes à qui prendrait l'envie de faire leur travail avec sérieux et probité."
Anne Kappès-Grangé, rédactrice en chef du magazine "Jeune Afrique"à franceinfo
Interpellé en septembre sur le sort du journaliste lors d'une conférence de presse à New York, le président congolais Félix Tshisekedi, candidat à sa succession, a répondu qu'il ne saurait "faire entrave à la justice et ne pas permettre à celle-ci de faire toute la lumière". "Il a couvert [ma campagne]. Il était de tous les combats avec nous, donc vous voyez, j'ai de la sympathie pour ce jeune homme. Je regrette ce qui lui arrive", a également déclaré le dirigeant, comme l'a rapporté France 24.
Jeune Afrique et Actualite.cd ont pour leur part lancé la campagne #FreeStanis (Libérez Stanis). Une soixantaine de journalistes, personnalités africaines et internationales dénoncent dans des vidéos une atteinte à la liberté de la presse et réclament la libération du détenu. Amnesty international vient par ailleurs de lancer "une action urgente" selon Actualite.cd. D'autres associations sont mobilisées, comme Reporters sans frontières, ainsi que des acteurs de la société civile en République démocratique du Congo. L'Union européenne et les Etats-Unis ont exprimé leurs inquiétudes quant aux menaces qui pèsent sur la liberté de la presse dans ce pays.
Si la date du procès demeure inconnue, son avocat estime que cela ne devrait pas "traîner parce que le dossier physique se trouve déjà devant le greffe du tribunal". La défense de Stanis Bujakera Tshiamala veut que le journaliste "soit remis en liberté, pour qu'en homme libre, il puisse continuer à coopérer avec la justice jusqu'au dénouement total de cette affaire pour laquelle nous considérons qu'il n'a aucune responsabilité pénale individuelle".
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