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Algérie : à l’approche de la présidentielle, le pouvoir serre la vis à la presse

Au lendemain de la célébration de la Journée nationale de la presse, les autorités algériennes ont durci le ton à l’égard des médias. Trois journalistes ont été placés en détention préventive, deux pour diffamation et le troisième pour outrage aux institutions. Un tour de vis qui intervient à l’approche du scrutin présidentiel prévu pour avril 2019.
Article rédigé par Alain Chémali
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 2 min
Les deux journalistes algériens du site Algérie Part, Abdou Semmar (D) et  Merouane Boudiab (G), arrêtés en Algérie le 24 octobre 2018 sous l'accusation de diffamation. (Internet sans frontières - CC BY NC SA)

Visé par des plaintes du PDG du groupe privé de média Ennahar, Anis Rahmani, du préfet d’Alger Abdelkader Zoukh et de Abderrahmane Benhamadi, le PDG du conglomérat d’électronique et d’électroménager Condor, le directeur des médias en ligne Algérie Direct et Dzair Presse a été interpellé dans la soirée du 22 octobre 2018.

«Les turpitudes de certains dirigeants» 
Adlène Mellah a été inculpé «d’outrage aux institutions», «enregistrement ou prise de vue sans autorisation ou consentement» et «atteinte à la vie privée». Il a été incarcéré et risque cinq ans de prison, selon son avocat Abdelghani Badi.
 
Toujours selon son défenseur, il a été déféré en compagnie d'un ancien footballeur, d'un comédien et du frère d'Amir.dz, un cyberactiviste basé à l'étranger, qui dénonce sur sa page Facebook aux deux millions d'abonnés, les supposées turpitudes de certains dirigeants algériens et que ses détracteurs accusent de se livrer au chantage.
 
En effet, pour la Gendarmerie nationale citée par TSA, l’affaire concerne «la publication de photos attentatoire sur les réseaux sociaux, le chantage, falsification de billets de banque, divulgation de données obtenues de manière frauduleuse, diffusion de publications injurieuses aux cadres de l’État, l’atteinte à la vie privée des personnes via des publications sur les réseaux sociaux et des sites, la diffamation, les attaques et la diffusion d’images incitatives», détaille le communiqué de la Gendarmerie.
 
De leur côté, Abdou Semmar et Merouane Boudiab, respectivement rédacteur en chef et journaliste du site d'information Algérie Part, ont été arrêtés le lendemain et placés en garde à vue. Eux aussi sont inculpés, sur plainte d’Anis Rahmani, pour «diffamation» contre le groupe Ennahar.
 
Ce dernier et son directeur sont depuis plusieurs semaines l’une des cibles privilégiées d’Amir.dz qui dénonce leurs liens présumés avec certains dirigeants algériens.
 
Accusés de diffamation, les deux journalistes risquent de deux à six mois de prison, selon le code pénal algérien.
 
Abdou Semmar, responsable du site d’information Algérie Part qui a révélé de nombreux scandales liés à la mauvaise gouvernance et la corruption d’agents publics, est également correspondant du site Internet sans frontières en Algérie.

Internet sans frontières et Reporters sans frontières demandent la libération des journalistes 
La directrice exécutive de ce site se dit «vivement préoccupée par l'arrestation de son correspondant. Abdou Semmar est le fer de lance de la bataille des éditeurs de presse en ligne en Algérie. Sa démarche pour l'émergence d'une presse en ligne professionnelle et libre a été systématiquement empêchée par les autorités depuis plus de 2 ans», a déclaré Julie Owono.
 
«Nous souhaitons la libération immédiate et sans condition de notre correspondant qui n'a pour tort que celui de faire son travail, le journalisme», a-t-elle encore ajouté.
 
Dans son communiqué, Internet sans frontières précise que Abdou Semmar avait, lors de son dernier pasage à Paris, fait état des pressions quotidiennes et du harcèlement que ses équipes et lui-même subissent depuis plusieurs mois en Algérie.
 
«Il a aussi lancé l'alerte sur l'arrestation à venir de nombreux journalistes en ligne par la police algérienne. Son arrestation ainsi que celles d'autres journalistes en ligne donnent raison à ses sombres prémonitions», conclut le communiqué.
 
De son côté l’ONG  Reporters sans frontières (RSF) rappelle qu’Adlène Mellah et son rédacteur en chef Khelaf Benhadda avaient déjà été arrêtés et détenus en juin dernier pour avoir couvert l’affaire de la saisie de 700kg de cocaïne.
 
RSF dénonce aussi ces interpellations qui constituent «une grave atteinte à la liberté de l’information» et demande leur libération immédiate.

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