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Algérie : une journaliste quitte son poste à la radio nationale pour dénoncer la censure et les pressions sur les médias.

Une salve de messages de soutien a salué sur les réseaux sociaux la démission de Linda Hamed de son poste de présentatrice du journal sur la radio Chaîne III. Elle entend protester contre les "toutes les pressions subies au quotidien".

Article rédigé par Alain Chémali
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 3 min
A Alger, le 16 septembre 2019, des passants regardent les unes des journaux nationaux et étrangers annonçant la date de l'élection présidentielle. (RYAD KRAMDI / AFP)

A moins d’un mois du scrutin présidentiel du 13 décembre 2019, la grogne ne cesse de monter dans les rangs des journalistes algériens victimes "d’intimidations" et "de menaces" de la part des autorités, selon un porte-parole de la profession cité par l’AFP. Une fronde magistralement illustrée par la démission de Linda Hamed de la radio nationale francophone de son poste de présentatrice du journal de 19 heures sur la Chaîne III.

"Je me sens libre et légère, j'ai la conscience tranquille"

"Vu toutes les pressions que je subis au quotidien, vu la manipulation, vu le traitement de l’information, j’ai déposé ce jeudi ma démission du poste de présentatrice", a-t-elle déclaré le 17 novembre au site TSA, précisant toutefois qu’elle demeurait journaliste de cette chaîne. "Ma décision est motivée par notre obligation de ne donner la version que d’un seul camp. L'objectivité a disparu", affirme Linda Hamed qui précise avoir invoqué la clause de conscience dans sa lettre de démission.

"Nous n’avons jamais travaillé comme ça. Nous avons toujours été avant-gardistes et nous avons toujours eu une certaine liberté, même avant le 22 février", ajoute-t-elle, "mais en arriver à ce qu’ils nous dictent ce qu’on doit dire, ce n’est plus possible". "On n’a jamais vécu une telle situation. Ça fait trente ans que j’exerce et je n’ai jamais vécu une telle période", insiste la journaliste qui dit s’attendre à des sanctions de la part de sa direction, écrit TSA.

"Je me sens libérée et je me sens légère. J’ai la conscience tranquille", a conclu la présentatrice, non sans avoir cité ses collègues telles Nahla Bekralas, Hafida Hamouche ou Meriem Abdou, visées par des sanctions après avoir été taxées de hirakistes (du nom de la révolte populaire, NDLR), "alors que nous ne faisons que notre travail".

Une reprise en main avec la nomination d'un nouveau directeur

Quelques jours auparavant, la journaliste Nahla Bekralas avait vu son émission politique suspendue et sa rubrique retirée de la grille des programmes, rapporte le site Algérie 360°. Le site précise qu’elle a été également suspendue de son poste de secrétaire générale de la section syndicale UGTA de la radio.

Ces suspensions et démission font suite à la nomination d’un nouveau directeur de la radio, Nazim Aziri. "Depuis sa nomination, le ton a commencé à se faire timide au niveau de ce média, réputé être le plus ouvert sur le hirak", explique Algérie 360°.

Relayée par les réseaux sociaux, la démission de Linda Hamed a aussitôt été saluée sur Twitter par de nombreux internautes. "Bravo madame Linda Hamed", "respect", "il faut que tout le monde retienne ce nom : Linda Hamed", affirment les nombreux messages de soutien à celle qui a osé braver la censure et refusé "de travailler sous les ordres de la junte militaire".

L’annonce de cette démission intervient au lendemain de la décision de plus de 300 journalistes de la presse écrite, audiovisuelle et électronique privée, de couvrir collectivement la marche hebdomadaire du vendredi 15 novembre contre le pouvoir à Alger, a expliqué à l’AFP le journaliste Khaled Drareni porte-parole du collectif créé à cette occasion.

"Pour le sauvetage de la presse algérienne"

Dans un communiqué intitulé Pour le sauvetage de la presse algérienne, publié sur une page Facebook le 11 novembre, ce collectif tire la sonnette d’alarme. Il dénonce "les pressions et contraintes (…) qui empêchent les journalistes d’accomplir leur devoir professionnel et d’assurer le service public" de l’information.

بيان إلى الرأي العام: صرخة الصحافيين ضد القمع والتعسف و من اجل الحريات نحن مجموعة من الصحفيات والصحفيين...

Publiée par ‎مبادرة إنقاذ الصحافة الجزائرية Pour le sauvetage de la presse algérienne‎ sur Lundi 11 novembre 2019

"Nous exigeons du pouvoir qu'il cesse d'imposer la censure aux médias publics et privés et de porter atteinte aux libertés médiatiques afin de garantir le droit du citoyen à une information objective et neutre", indiquent les plus de 300 signataires.

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