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Après la décision de Trump, retour sur l'histoire très particulière du Liberia
L'administration Trump a annoncé la fin prochaine d'un dispositif empêchant l'expulsion des immigrés libériens résidant aux Etats-Unis. La législation protectrice avait été mise sur pied en 1991 quand le pays africain était en pleine guerre civile. Cette décision met en lumière les liens très particuliers entre Washington et le Liberia, pays créé par d'anciens esclaves venus des Etats-Unis.
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Cette règle sur les migrants libériens remonte à l'ère Clinton. Elle leur permettait de rester aux Etats-Unis alors que le Liberia sortait difficilement d'une horrible guerre civile. Un conflit qui provient en partie de l'histoire très particulière de ce petit pays d'Afrique de l'Ouest, d'environ 4,2 millions d'habitants et de quelque 111.000 km2.
Un histoire intimement liée aux Etats-Unis. En effet, l'aventure du Liberia commence en Amérique. Nous sommes en 1820. Cette année là, un navire, l’Elizabeth, emmène des colons très particuliers vers ce qui sera plus tard le Liberia. Il s’agit de 88 colons noirs, d’anciens esclaves affranchis, de retour sur le continent dont ils sont originaires. Une initiatve de l’American Colonization Society qui n’était pas forcément très généreuse… Derrière le discours humaniste, l’idée que les Etats-Unis devaient être blancs n’était pas absente des ambitions de cette association chrétienne.
A l’heure où ce navire arrive sur les côtes africaines, dans un des rares endroits où les pays européens ne se sont pas installés, la traite des esclaves existe toujours, même si l’Angleterre, elle, a mis fin à ce trafic. L’installation des premiers «colons» est difficile. Des accrochages ont lieu avec des populations locales, poussées selon certaines sources par les esclavagistes espagnols.
1847, le Liberia devient indépendant
1847, le Liberia devient indépendant
En 1822, la première colonie prend forme. Elle s'installe dans un lieu qui prend le nom de Monrovia, en l’honneur du président américain Monroe (qui exerce deux mandats de 1817 à 1825). En 1847, la colonie devient une république indépendante. La Déclaration d'indépendance du Liberia est rédigé par Hilary Teague, un membre de l'American Colonization Society, venu des États-Unis. La colonie prend le nom de Liberia (tiré du mot liberté).
Les arrivées des «freemen» s'intensifient. «L’immigration afro-américaine vers ce bout de terre d’Afrique se développe et près de 13. 000 personnes s’y installent entre 1821 et 1867, divisant la population en deux catégories. D'un côté, ceux qui se font appeler les "freemen". Ce sont ces anciens esclaves libérés venus d’Amérique, fortement christianisés par les missionnaires méthodistes. De l'autre, ceux qu’ils exploitent, constitués d’une population indigène qu’ils nomment les "bushmen" ou les "natifs"», raconte RFI. Les nouveaux venus adoptent sans problèmes les mêmes méthodes de domination que dans les autres colonies occidentales. Le suffrage censitaire permet aux Américano-Libériens de conserver le pouvoir durant un siècle au détriment des populations locales..
Une situation qui dure, puisque dans ce pays fondé par d’anciens esclaves, l’exploitation des autochtones par les «freemen» est même dénoncée par la Société des Nations (SDN) entre les deux guerres. Tout le pouvoir est concentré entre les mains des colons et de leurs descendants. En 1931, une commission internationale a révélé que plusieurs Americo-Libériens éminents avaient des esclaves
Considéré comme le père du Liberia moderne, le président William Tubman, d’origine américano-libérienne, est elu président en 1944, fonction qu’il exerce jusqu’à sa mort en 1971. Dès le début de son mandat il instaure le suffrage universel (alors que jusque-là, seuls les descendants des colons venus d’Amérique, soit environ 5% de la population, avaient le droit de vote). Dans ce contexte, il lance la modernisation du pays qui s’ouvre largement aux investissements étrangers, développe le pays non sans assurer autoritairement son pouvoir. «Derrière cette vitrine moderne, la réalité est celle d'une poignée d'Afro-Américains exploitant une écrasante majorité d'indigènes pour le plus grand profit de quelques multinationales comme le caoutchoutier Firestone, propriétaire de plantations d'hévéas», note le site Herodote.
Les arrivées des «freemen» s'intensifient. «L’immigration afro-américaine vers ce bout de terre d’Afrique se développe et près de 13. 000 personnes s’y installent entre 1821 et 1867, divisant la population en deux catégories. D'un côté, ceux qui se font appeler les "freemen". Ce sont ces anciens esclaves libérés venus d’Amérique, fortement christianisés par les missionnaires méthodistes. De l'autre, ceux qu’ils exploitent, constitués d’une population indigène qu’ils nomment les "bushmen" ou les "natifs"», raconte RFI. Les nouveaux venus adoptent sans problèmes les mêmes méthodes de domination que dans les autres colonies occidentales. Le suffrage censitaire permet aux Américano-Libériens de conserver le pouvoir durant un siècle au détriment des populations locales..
Une situation qui dure, puisque dans ce pays fondé par d’anciens esclaves, l’exploitation des autochtones par les «freemen» est même dénoncée par la Société des Nations (SDN) entre les deux guerres. Tout le pouvoir est concentré entre les mains des colons et de leurs descendants. En 1931, une commission internationale a révélé que plusieurs Americo-Libériens éminents avaient des esclaves
Considéré comme le père du Liberia moderne, le président William Tubman, d’origine américano-libérienne, est elu président en 1944, fonction qu’il exerce jusqu’à sa mort en 1971. Dès le début de son mandat il instaure le suffrage universel (alors que jusque-là, seuls les descendants des colons venus d’Amérique, soit environ 5% de la population, avaient le droit de vote). Dans ce contexte, il lance la modernisation du pays qui s’ouvre largement aux investissements étrangers, développe le pays non sans assurer autoritairement son pouvoir. «Derrière cette vitrine moderne, la réalité est celle d'une poignée d'Afro-Américains exploitant une écrasante majorité d'indigènes pour le plus grand profit de quelques multinationales comme le caoutchoutier Firestone, propriétaire de plantations d'hévéas», note le site Herodote.
Pour preuve de cet autoritarisme, c’est son vice-président (depuis 1951), William Richard Tolbert Jr, qui accède au pouvoir en 1971. Il ouvre légèrement le régime mais les inégalités sociales persistantes (notamment entre les anciens colons et les autochtones) provoquent de violents incidents à la fin des années 70.
RFI dresse un portrait saisissant du pays: «le Liberia est devenu une base arrière pour les Américains en Afrique où tout est possible. Ils y ont installé une de leurs grandes antennes militaires et le pays est devenu l’un des plus corrompus de la planète. À Monrovia, la capitale, tout s’achète, tout se vend : drogue, armes, faux papiers ou vrais pavillons maritimes quel que soit l’état du bateau (le Liberia avec ses pavillons de complaisance devient l’une des plus grosses flottes du monde). Chez Julia, un hôtel célèbre à l’époque pour les affaires, des mercenaires passent le temps en attendant un contrat sur le continent. On y négocie à coup de dollars des rendez-vous avec les plus hautes autorités de l’Etat ou une autorisation "spéciale" difficile à obtenir autrement. Tout le monde est armé et l’une des distractions du week-end consiste à aller en famille par exemple, après le culte, assister au stade au bastonnage des voleurs qui se trouvent être tous des "natifs"».
Coup d'Etat en 1980
Le règne de William Richard Tolbert Jr s'achève brutalement le 12 avril 1980. Un groupe de soldats se rend à la résidence du président pour réclamer le paiement de leurs soldes. À leur tête, le sergent-chef Samuel Doe, un «autochtone». ils tuent Tolbert et le sergent Doe devient ainsi président de la République du Liberia.
Coup d'Etat en 1980
Le règne de William Richard Tolbert Jr s'achève brutalement le 12 avril 1980. Un groupe de soldats se rend à la résidence du président pour réclamer le paiement de leurs soldes. À leur tête, le sergent-chef Samuel Doe, un «autochtone». ils tuent Tolbert et le sergent Doe devient ainsi président de la République du Liberia.
Le pays s’enfonce après l’assassinat du président Doe (1990) dans une abominable guerre civile entre les différentes factions du National Patriotic Front of Liberia (INPFL) dans lequel s’affrontent Charles Taylor, Prince Johnson et d'autres seigneurs de guerre. Un conflit qui fait au total quelque 150.000 morts. L’une des causes de cette violence «est l’exclusion pendant plus d’un siècle des Libériens autochtones, par les Américano-Libériens, de toute participation significative à la gouvernance politique du pays et l’accès aux opportunités économiques, faisant du Liberia un pays divisé», note le think tank citoyen de l'Afrique de l'Ouest.
Il faut attendre les années 2003 pour que Charles Taylor quitte le pouvoir et que l’ONU organise une transition marquée en 2005 par l’élection d’Ellen Johnson Sirleaf. En 2018, l’arrivée au pouvoir de George Weah, lors de la présidentielle, marque la victoire d’un homme issu d’une ethnie locale, alors que le pays a quasiment toujours été dominé par des descendants d’esclaves américains.
Il faut attendre les années 2003 pour que Charles Taylor quitte le pouvoir et que l’ONU organise une transition marquée en 2005 par l’élection d’Ellen Johnson Sirleaf. En 2018, l’arrivée au pouvoir de George Weah, lors de la présidentielle, marque la victoire d’un homme issu d’une ethnie locale, alors que le pays a quasiment toujours été dominé par des descendants d’esclaves américains.
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