Coupe du monde 2018: les Aigles de Carthage, espoir d'une Tunisie en crise
Absente des deux dernières éditions, la Tunisie est de retour au Mondial en Russie avec le sélectionneur Nabil Maâloul (la Tunisie est une des rares équipes africaines à avoir un entraîneur venant de son propre pays) après un joli parcours sans défaite lors des éliminatoires. Les Aigles de Carthage n'ont pas des adversaires faciles puisqu'ils rencontrent successivement l'Angleterre (le 18 juin) et la Belgique qui est vue comme la favorite de ce groupe qui compte aussi le Panama.
«Tout le peuple espère qu’on passe en huitièmes»
Pour le sélectionneur, Nabil Maâloul, «il y a une énorme attente du peuple tunisien. Le football, en Tunisie, est une véritable passion. La cinquième participation à une Coupe du monde sera la bonne. Tout le peuple espère qu’on passe en huitièmes. A nous de répondre aux attentes. Vous vous rappelez de la prestation de l’Algérie en 2014 au Brésil? Ils ont terminé deuxième de leur poule et ne sont tombés qu’en prolongations contre l’Allemagne. On veut réaliser un tel parcours», explique-t-il.
— Les Aigles de Carthage (@LADC_Officiel) 1 juin 2018
Joueurs écartés : -Moez Ben Cherifia (GK)
-Bilel Mohsni (CB)
-Khalil Chammem (LB)
-Mohamed Larbi (MC)
-Karim Laribi (LW)
-Ahmed Akaïchi (ST) pic.twitter.com/kdEcqTy8lp
Le foot tunisien «produit de moins en moins de joueurs»
Pour cela, l'équipe tunisienne dispose de solides arguements. Outre sa star et capitaine, Wahbi Khazri, les Aigles de Carthage bénéficient d'un effectif de qualité, créatif et technique. Sur les 23 joueurs sélectionnés (début juin), ils sont six à jouer dans des équipes tunisiennes. Les autres évoluent en France, en Egypte, en Arabie saoudite, en Belgique, en Turquie ou au Royaume-Uni. A l’image de leur capitaine, Wahbi Khazri, ils sont une majorité à jouer dans des clubs français. Viennent juste derrière des joueurs opérant pour des clubs d’Arabie saoudite. Si la composante française (avec notamment des joueurs bi-nationaux), et même européenne, n'est pas nouvelle, le fait que des joueurs tunisiens soient partis en Arabie saoudite est très récent.
Les internationaux tunisiens évoluant en Arabie Saoudite (Aymen Mathlouthi, Farouk Ben Mustapha, Ferjani Sassi et Fakhreddine Ben Youssef) ainsi que Yassine Meriah se sont entraînés aujourd'hui avec la sélection olympique. #Tunisie #CM2018 pic.twitter.com/2gBaLJ41Te
— Tunisie Football (@tunisiefootball) April 19, 2018
Ce phénomène met en lumière les difficultés du football tunisien confronté à des problèmes financiers, notamment au niveau de ses clubs. Selon l’entraîneur français Bertrand Marchand, qui connaît bien la Tunisie, «les clubs, hormis l’Espérance Tunis, qui est très solide (…) connaissent des difficultés financières plus ou moins importantes». Le technicien breton qui travaillait pour le Club africain met en cause la gestion peu rigoureuse des équipes tunisiennes dans une interview à Sofoot.. Plus grave, il estime que le foot tunisien «produit de moins en moins de joueurs. Si on ne forme pas, on ne vend pas. Et sans l’argent des transferts, les clubs souffrent. C’est logique. La Tunisie devrait faire attention. Bien sûr, avec la révolution, le foot n’était pas la priorité absolue».
Après la révolution, les stades sont devenus une menace pour la police
Le football tunisien connait des problèmes de gestion mais pas seulement. Comme souvent, le foot est un miroir de la société. «Depuis la révolution de 2011, plus précisément. Il n’y a pas des problèmes à chaque journée de championnat, mais cela arrive de plus en plus souvent. Avant, les autorités se montraient beaucoup plus répressives, même si les stades ont toujours été un défouloir, où des gens venaient scanderdes slogans hostiles à Ben Ali», résumait dans Le Monde l’entraineur français Gérard Buscher. Il est vrai que le football tunisien est secoué régulièrement par des violences et des accusations de corruption. Le Huffpost Maghreb décrit ainsi la finale de la Coupe, totalement gâchée. «Un pouvoir séparé de son peuple par un mur, un pouvoir reclus dans la peur de rendre justice à un jeune supporteurs tué, un pouvoir prenant de haut son peuple et qui utilise la répression, un simulacre de fête du football, un simulacre de démocratie », écrit le journal.
#Tunisie | Troubles nocturnes à Gafsa après un match de foot contestéhttps://t.co/Yr0dPRDT48 pic.twitter.com/yjYm3ffoQV
— #AFRICA24MONDE (@AFRICA24MONDE) May 20, 2018
L'arrivée de la démocratie ne semble pas avoir modifié la situation. «Après la révolution, les stades sont devenus une menace pour une police fragilisée et en manque d’effectifs. Par un contrôle sur la vente des billets et les entrées, le ministère de l’Intérieur a pu réguler la situation et n’a plus besoin de mobiliser le même nombre d’agents que lors d’un match avec 50 000 supporters», rapporte le MiddleEastEye qui décrit un football tunisien gangrené par les incidents.
L'Arabie saoudite eldorado des joueurs tunisiens
Entre violences, corruption et difficultés financières, pas étonnant que les clubs connaissent des problèmes. Et que les joueurs cherchent à évoluer dans des environnements plus favorables. D'où le succès de l'Arabie saoudite auprès des footballeurs tunisiens.
Selon Bertrand Marchand, le fait que l’Arabie saoudite recrute de nombreux joueurs étrangers, tunisiens notamment, où ils ont la certitude d’être payés, va peser sur le football tunisien. L'Arabie «autorise désormais que les clubs de Ligue 1 et de Ligue 2 alignent sept étrangers en championnat. L’hiver dernier, plusieurs Tunisiens sont partis là-bas. Et je ne serais pas étonné qu’il y ait un afflux massif l’été prochain. Là-bas, les mecs vont gagner plus en ayant l’assurance d’être payés tous les mois... La Tunisie doit se méfier si elle ne veut pas connaître un creux de plusieurs années. Car cela est arrivé à d’autres pays».
La presse tunisienne n'est d'ailleurs pas tendre pour ces joueurs qui choisissent l'Arabie. «Jouer dans les pays du golfe, ce n'est pas du tout pour s'améliorer, c'est juste pour se faire de l'argent. Sinon comment expliquer l'intérêt pour cette destination», note Kapitalis. Le football est un business...
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