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En Tunisie, des journalistes évoquent le retour d’un Etat policier

Manifestation de reporters, propos d’un policier appelant à «violer les journalistes», contrôles arbitraires... la tension est montée entre le pouvoir et les professionnels de l'information en Tunisie. Ces derniers n'ont pas hésité à manifester leurs appréhensions tandis que le président de la République a, semble-t-il, tenu à calmer le jeu.
Article rédigé par Pierre Magnan
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 4min

Reporters sans Frontières s’était déjà inquiété, en janvier 2018, de «violations de la liberté d’informer commises par des représentants des forces de l’ordre» pendant les manifestations contre la hausse des prix en Tunisie. L’ONG s’inquétait de l’interpellation du correspondant de Libération et de la saisie du matériel d’un journaliste de Tunisia Review.

Mais la mise en cause des journalistes semble dépasser ces incidents. Surtout depuis que, selon Middleeasteye, le president Béji Caïd Essebsi a accusé les journalistes étrangers d’avoir «souillé l’image de la Tunisie» lors de leur couverture de ces manifestations contre la hausse des prix au début du mois de janvier. 

Après plusieurs communiqués du Syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT) et une lettre adressée à la présidence pour dénoncer ces problèmes, une «journée de colère» a été organisée vendredi 2 février, au cours de laquelle tous les journalistes ont porté le brassard rouge en guise de protestation. 


«Après une période de trêve d’un an et demi, on risque d’être ramenés en arrière. Le SNJT a répertorié près de 140 agressions envers les journalistes entre mars et décembre 2017, et 13 rien qu’au mois de janvier, verbales et physiques, et souvent de la part de la police», affirme Zied Dabbar, journaliste et membre du bureau exécutif du SNJT.
 
Un incident a marqué les esprits. Un porte-parole du syndicat des forces de sécurité de Sfax (à 270 km de Tunis) a insulté les journalistes sur Facebook et a même appelé les policiers à «violer les journalistes». Il a depuis effacé ces propos, néanmoins sauvegardés par un animateur radio. Le ministère public de Sfax a ordonné une instruction judiciaire à l’encore du syndicaliste.
 

Ces propos sont intervenus alors que le climat se dégradait entre les journalistes et les autorités. Plusieurs journalistes font état de pressions de la police. Celle-ci demanderait la nature des reportages. Un «policier m’a demandé à plusieurs reprises une autorisation alors que normalement, il n’y a besoin d’autorisation que pour filmer des bâtiments sécuritaires, des institutions publiques ou relevant de l’armée. Ensuite, il m’a demandé plusieurs fois mon sujet, et nous a emmenés au poste pour poser plus de questions», raconte Khalil Zarrouk, 30 ans, journaliste pour une émission d’enquête de la chaîne de télévision Al Hiwar Ettounsi. «On m’a confisqué mon téléphone et on m’a dit que je n’avais pas le droit d’appeler ma rédaction, raconte-t-il. Ça s’est finalement résolu à l’amiable, après des discussions avec le chef du commissariat, mais que l’on insiste sur le fait de vouloir connaître nos sujets est inquiétant.» 

«Notre crainte en tant que syndicat, c’est qu’il y ait une politique d’Etat pour ramener la presse en arrière», a déclaré Néji Bghouri, président du SNJT. «Aujourd’hui ils veulent créer une presse aux ordres, ils veulent une presse qui fasse ce qu’ils veulent.»



Pour calmer le jeu et eteindre une polémique qui grossissait, le président de la République a reçu le syndicat des journalistes. Lors de cette rencontre, «le syndicat a fait part au président des restrictions dont avaient été victimes les journalistes, soulignant une réaction positive de la part de Béji Caid Essebsi, qui a exprimé un "engagement réel" de protéger la liberté de la presse, quelles que soient les circonstances», rapporte le Huffpost.


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