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Ethiopie : des milliers de travailleurs clandestins quittent l’Arabie saoudite

Une semaine après l’expiration de l’ultimatum fixé par les autorités saoudiennes, quelque 70.000 travailleuses et travailleurs éthiopiens clandestins ont quitté le royaume. Il en reste plus de 300. 000 qui risquent désormais des peines d’emprisonnement et des expulsions forcées assorties d’une forte amende. Leur rapatriement constitue un véritable défi pour les autorités d’Addis-Abeba.
Article rédigé par Alain Chémali
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 4min
Une famille éthiopienne de retour d'Arabie saoudite à son arrivée à l'aéroport international d'Addis-Abeba, le 31 juillet 2017. (REUTERS/Tiksa Negeri)

Sur le chiffre officiel de 400.000 Ethiopiens travaillant clandestinement en Arabie saoudite, ils sont, selon le site africanews, quelque 70.000 à avoir regagné leur pays depuis l’expiration de l’ultimatum fixé par les autorités saoudiennes au 25 juillet 2017.
 
Le 29 mars 2017, l’Arabie saoudite avait en effet déclaré illégaux les 5 millions de migrants en situation irrégulière dans le royaume, les invitant à quitter volontairement le territoire. Fixé à 90 jours le délai pour leur départ avait été prolongé d’un mois, désormais écoulé.

Un rapatriement surprise qui pose problème aux autorités éthiopiennes
En dépit de la date butoir mettant fin à l’amnistie permettant aux clandestins de quitter le royaume sans être inquiétés, nombreux sont ceux qui ont choisi de rester. Ils encourent désormais des peines de prison ou tout simplement de se voir expulsé manu militari du pays, non sans s'être acquitté d'une amende.
 
Bien qu’embryonnaire, le processus de rapatriement a mis le gouvernement éthiopien dans l’embarras. Selon le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Addis-Abeba n’aurait la capacité d’accueil que pour 130.000 d’entre eux.
 
«Le décret a été promulgué alors que nous ne nous y attendions pas. Et un rapatriement d’une telle ampleur en un temps aussi court est pour nous un autre défi», a déclaré Melese Alem.
 
De leur côté les travailleurs rapatriés, arrivés à l’aéroport d’Addis-Abeba, n’ont pas hésité à témoigner des mauvaises conditions de vie qu’ils ont eu à subir chez leurs employeurs saoudiens.



«Ils ne nous considèrent pas comme des humains» 
«Ils n’ont pas de sympathie pour leurs servantes. Ils ne nous considèrent même pas comme des êtres humains. Ils ne pensent pas que nous pouvons aussi être fatigués. Cela vous fait détester votre vie même si vous voulez juste avoir un peu d’économies. Et c’est cette perspective qui vous fait tout supporter», raconte Tirhas Fisseha qui exerçait le métier femme de ménage.
 
D’autres ne dissimulent pas leur soulagement. «Je suis tellement content de rentrer chez moi. J’ai vécu dans les pays arabes pendant quatre ans et je me dis plus de migration ! Je vais essayer de travailler plus et vivre dans mon pays», promet Lubaba Taju.
 
Ce n’est pas la première fois que de telles mesures sont prises par Ryad. Entre 2012 et 2015, quelque 4 millions de travailleurs «illégaux» avaient été renvoyés, dont 150.000 Ethiopiens. Plusieurs d’entre eux avaient été tués dans des altercations avec la police saoudienne qui tentait de les parquer avant de les expulser.
 
Affaibli par la chute des prix du pétrole et une poussée du chômage qui touche 15% de la population, le royaume wahhabite prône «de manière très démagogique une saoudisation de l’emploi», expliquait en juin 2017 à Géopolis le spécialiste du Proche-Orient, Stéphane Aubouard.
 
Un tiers des Ethiopiens vit dans l'extrême pauvreté
Selon les autorités saoudiennes, plus d’un million de clandestins continuent de travailler dans le bâtiment ou comme domestiques. Et leur expulsion pose malgré tout la question de savoir par qui remplacer cette main-d’œuvre bon marché et corvéable à merci.
 
En Ethiopie en revanche, selon le site africanews, même si l’Etat a réussi, grâce à une politique industrielle forte, à relancer l’économie, un tiers de ses 99 millions d’habitants survit avec moins de 1,90 dollar par jour. Soit la mesure de l’extrême pauvreté, selon la Banque mondiale.
 
Une situation qui supporterait mal un retour en masse et forcé des centaines de milliers d’Ethiopiens qui ont pris le risque de rester en Arabie saoudite.    

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