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Excision au Burkina: des dizaines de fillettes mutilées malgré l’interdiction

Elles sont une cinquantaine de fillettes âgées de 4 à 5 ans à vivre un calvaire. Elles ont été admises dans différents hôpitaux du Burkina Faso après avoir subi des excisions qui ont mal tourné. Cette pratique est pourtant interdite et pénalisée depuis 1986. Mais les coutumes ont la peau dure dans ce pays ouest-africain.
Article rédigé par Martin Mateso
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Un peu partout en Afrique, les campagnes se sont multipliées contre l'excision, comme ici à Dakar, au Sénégal. Mais les résistances restent importantes. (Photo AFP/Georges Gobet)

La ministre burkinabè de la Femme et de la Famille ne décolère pas. Laurence Marshall Ilboudou a l’impression de prêcher dans le désert lorsqu’il s’agit d’appeler la population à abandonner la pratique de l’excision.

«Nous avons l’impression que les gens ne nous prennent pas au sérieux. Nous allons saisir le procureur. Une plainte sera déposée. Il faut que les gens comprennent que l’excision est interdite et qu’elle est régie par des lois qui doivent être appliquées dans leur rigueur», a-t-elle réagi sur l’antenne de la BBC.

L’affaire fait grand bruit à Kaya, une localité située à environ 100 km au nord de Ouagadougou, la capitale du Burkina Faso. C’est là que deux femmes âgées d’une soixantaine d’années ont été interpellées après avoir mutilé plusieurs dizaines de fillettes dans le secret.

«La plupart d’entre elles ont subi une excision qui emporte le clitoris et les petites lèvres. Il est urgent pour nous de leur apporter des soins pour éviter que ces lésions s’infectent davantage. Si on ne fait rien, elles vont mal cicatriser et il y aura beaucoup de séquelles pour leur vie sexuelle et aussi pour leur vie de reproduction, notamment lors de l’accouchement», a déclaré à la BBC le médecin qui les a examinées.

«L’excision, un moyen de contrôler la sexualité des femmes»
Ces pratiques «dégradantes» visent les fillettes, mais aussi les jeunes filles et certaines femmes adultes. Dans une étude publiée en 2016, l’Unicef note que le tabou autour du sujet, le manque d’informations sur ses conséquences néfastes pour la santé, les croyances et les superstitions très ancrées dans les communautés, font de l’excision une des pratiques traditionnelles les plus difficiles à éradiquer au monde.

«Les hommes refusent parfois d’épouser une fille non excisée, car l’excision n’est pas seulement une pratique culturelle ou religieuse, c’est aussi un moyen pour les hommes de contrôler la sexualité de leurs femmes», indique l’étude de l’Unicef.

Le Burkina s’est pourtant employé depuis plusieurs années à mener campagne contre cette pratique aux conséquences désastreuses en l’interdisant depuis 1986. Un numéro vert, le 80.00.11.12, a même été mis en place pour permettre aux populations de dénoncer, de façon anonyme, des cas d’excision ou toute intention de le faire.

Une baisse du taux de prévalence national et beaucoup de résistances
La loi votée en novembre 1986 prévoit des peines de prison de six mois à trois ans pour ceux qui pratiquent l’excision et leurs complices et des amendes qui peuvent aller jusqu’à 1400 euros.

Selon les chiffres parus dans la presse burkinabè en 2015, on observe une baisse sensible du taux de prévalence national de la pratique de l’excision dans le pays. Chez les jeunes filles de la tranche de 0 à 14 ans, il est passé de 13% en 2010 à 11% en 2015. Ce taux est passé de 75% en 2010 à 67% chez les femmes de 15 à 49 ans.

L’enquête a révélé que malgré une baisse sensible de la pratique de l’excision, des poches de résistance subsistent dans plusieurs régions du pays. Le 26 janvier 2016, des manifestants avaient vandalisé une gendarmerie dans la région de Bagré pour libérer des personnes gardées à vue et soupçonnées d’être impliquées dans l’excision de jeunes filles.

Dans une chronique publiée quelques mois après cet incident, le journal burkinabè Le Pays avait appelé à la responsabilité de tous, y compris celle des leaders religieux qui «doivent jouer un rôle important» dans la lutte contre ce phénomène.

«Je ne suis pas contre la répression, mais je veux qu’elle soit aussi dirigée contre ces fonctionnaires qui, pendant les vacances, envoient clandestinement leurs enfants au village pour les faire exciser… Où allons-nous, si ceux-là qui sont censés donner le bon exemple, s’érigent en fossoyeurs de la loi», déplorait l’auteur de la chronique.

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