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Face à la méningite, penser des programmes de vaccination à long terme

La méningite à méningocoque a régressé dans plusieurs pays d'Afrique sub-saharienne grâce à la vaccination. Mais le vaccin n'est pas efficace toute la vie et une étude menée au Burkina Faso, le démontre. Professeur en épidémiologie à l'Ecole des Hautes études en Santé publique, Judith Mueller fait le point sur cette problématique dans The Conversation.
Article rédigé par Catherine Le Brech
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 7min
Un enfant reçoit le vaccin MenAfriVac™ au Burkina Faso. WHO/Flickr, CC BY-NC (WHO/Flickr, CC BY-NC)

 


Situés dans une zone connue sous le nom de «ceinture de la méningite», plusieurs pays d’Afrique sub-saharienne, dont le Mali, le Burkina Faso et le Niger, ont été ravagés à de multiples reprises par des épidémies de la maladie.

En 1996-1997, la plus grande épidémie jamais recensée de méningites et de sépticémies à méningocoque du groupe A (MenA) a sévi dans la région. En un an, elle a tué plus de 25 000 personnes, et a laissé des séquelles irréversibles à des milliers de survivants : dommages neurologiques, surdité, perte d’un membre, etc.

Le vaccin MenAfriVac a été introduit sur le marché en 2010. Depuis, plus de 300 millions d’habitants de la région, âgés de 1 à 29 ans, ont été vaccinés contre la méningite à méningocoques A, à l’origine de la plupart des épidémies. Il s’en est suivi une baisse considérable du nombre de cas. Aujourd’hui, les méningites de ce type sont très rares.

Cependant, nous savons que les vaccins qui préviennent cette maladie ne sont pas efficaces à vie. Les recherches sur le sujet que nous avons entreprises le confirment.

Dans une étude récente financée par la Fondation de recherche sur la méningite, un organisme caritatif international, nous démontrons que les Burkinabés vaccinés contre la méningite A entre 1 et 4 ans en 2010 ont besoin d’un rappel de vaccin dès cette année pour s’assurer de rester immunisés.

Nos travaux prouvent qu’il ne faut pas se reposer sur ses lauriers. Il est nécessaire de mettre en place des programmes de vaccination à long terme pour contrôler la maladie, y compris des campagnes de rappel. La collecte de fonds pour financer ces doses de rappel est un défi, étant donné que le budget actuel est consacré aux campagnes de première vaccination de masse et à l’instauration d’une vaccination de routine pour les jeunes enfants.

Ce que nous avons découvert
Notre étude rassemble les résultats de trois enquêtes menées après la campagne de lancement du vaccin MenAfriVac au Burkina Faso, l’un des premiers pays à en avoir bénéficié. Notre objectif était d’évaluer l’efficacité du vaccin plusieurs années après.

Chacune des enquêtes a été menée en prélevant des échantillons de sang sur environ 600 personnes âgées de 6 mois à 30 ans, et en estimant et le temps nécessaire pour que leur taux d’immunité retombe au niveau pré-vaccinal (mesuré en 2008).

Ces tests nous ont fourni de nouvelles informations sur la durée de l’effet de ce type de vaccin. Nous avons déterminé que cette durée était étroitement liée à l’âge auquel la personne avait été vaccinée.

IL apparaît que le taux d’immunité a reculé pour toutes les tranches d’âge. Cependant, nous avons constaté que les enfants âgés de 1 à 4 ans au moment de la campagne de vaccination étaient retombés rapidement au taux pré-vaccinal. Ce qui signifie que, huit ans après leur vaccin, ils sont de nouveau vulnérables aux méningocoques A.

Les personnes plus âgées au moment de la campagne de vaccination restent immunisées plus longtemps.

Étant donné qu’une grande partie de la population du Burkina Faso est toujours protégée, et que la vaccination de routine des enfants est maintenant bien établie, le nombre de méningocoques A en circulation a fortement diminué, comparé aux épidémies des années 1990. Cela pourrait protéger indirectement ceux qui ne seront bientôt plus immunisés.

Toutefois, cette catégorie de population potentiellement vulnérable va bientôt entrer dans l’adolescence, l’un des âges où l’on court le plus de risques de contracter la maladie dans la ceinture de la méningite. En effet, les adolescents ont été sévèrement touchés lors des épidémies de méningite A et pourraient l’être de nouveau.

Des solutions pour l’avenir
La campagne de vaccination avec le MenAfriVac a été un succès sans précédent en termes de prévention de ces épidémies en Afrique sub-saharienne. Mais cette protection doit être maintenue.

Les nouveaux éléments mis en évidence dans notre étude pourront être pris en compte par les autorités sanitaires, en plus des considérations financières et organisationnelles, au moment de planifier des programmes de vaccination.

Cela devrait permettre de déterminer le moment idéal pour lancer une campagne de rappel afin de s’assurer que les populations locales restent protégées.

Nos études indiquent qu’une telle mesure sera sans doute bientôt nécessaire.

Au niveau planétaire, la méningite et la septicémie (ou sepsis) néonatale comptent parmi les infections les plus meurtrières pour les enfants de moins de cinq ans. Leur effet combiné fait davantage de victimes que le paludisme, le SIDA, la rougeole et le tétanos réunis. Seule la vaccination permet d’en protéger les populations les plus vulnérables. Nous devons donc nous assurer que ces personnes soient immunisées dès l’enfance et le restent à l’âge adulte.

Ces études nous permettent de mieux comprendre l’évolution du taux d’immunité qu’offrent les vaccins contre les infections à méningocoques et d’estimer à quel moment une dose de rappel sera nécessaire. En plus de leurs possibles implications pour l’usage de futurs vaccins, ces informations pourraient, à terme, améliorer notre contrôle global sur ces maladies.


Ce texte s’inscrit dans une série d’articles autour de la thématique « Santé publique, sujet du colloque de l’Agence universitaire de la Francophonie (AUF) qui se tient les 6 et 7 novembre, à Bruxelles avec plus de cent cinquante acteurs francophones : établissements universitaires, représentants gouvernementaux, représentants des agences nationales, experts des politiques de santé publique dans le monde francophone. 

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raduit de l’anglais par Iris Le Guinio pour Fast for Word.The Conversation
Judith Mueller, Professor in epidemiology, École des hautes études en santé publique (EHESP) – USPC
La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

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