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Laetitia, Anouchka et Meryem: trois femmes et une appli pour les drépanocytaires
Elles sont les trois anges numériques des drépanocytaires qui ont téléchargé leur application, Drepacare. Laquelle va représenter la France à la Silicon Valley en octobre 2018. Contrairement à une idée reçue, les Africains ne sont pas les seules victimes de la drépanocytose, première maladie génétique en France et dans le monde. Elle touche plus de 50 millions de personnes.
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Une application pour contribuer au bien-être et à une autonomisation des drépanocyaires face au mal qui les ronge. C'est la vocation de Drepacare destinée aux malades de la drépanocytose, maladie génétique due à une anomalie de l'hémoglobine, une protéine sanguine contenue dans les globules rouges.
Le mal se manifeste principalement de deux manières. Dans la première (hétérozygote), l'individu est porteur d'un gène sain (A) et d'un gène malade (S). Il ne développe aucun symptôme, mais il peut transmettre la pathologie à sa descendance, notamment si son conjoint est également AS. Dans ce cas de figure (le gène de la drépanocytose étant recessif), l’enfant a 50% de risques d'être AS comme ses parents et une chance sur quatre d’avoir deux gènes normaux (AA) ou d'avoir deux gènes malades (SS, forme homozygote). Bien qu'elle touche plus de 50 millions de personnes sur la planète, la maladie reste méconnue et fait souffrir au quotidien.
Une histoire personnelle
C'est justement la vie quotidienne des patients qui est au cœur du dispositif de Drepacare. L'appli est née de la rencontre entre la Française Laetitia Defoi, infirmière, de la Béninoise Anouchka Kponou, ingénieure en biotechnologie, et de la Marocaine Meryem Ait-Zerbane, pharmacienne. Alors qu'elles sont toutes les trois inscrites en septembre 2015 en master de santé publique et nutrition humaine (qu'elles ont obtenu) à l'université Paris XIII, elles vont unir leurs forces pour une aventure médico-numérique inédite. La maladie de Laetitia, drepanocytaire de type SS (la forme la plus grave), devient ainsi le point de départ de l'application Drepacare. «Il y a une histoire personnelle. Il fallait qu'on fasse quelque chose», explique Anouchka Kponou.
Publiée par Oui, j'ai la drépanocytose sur vendredi 11 mai 2018
L'application, gratuite, possède «des fonctionnalités préventives, informatives (témoignages de personnes atteintes partout dans le monde, conseils nutritionnels rédigés en partenariat avec des professionnels de la santé, entre autres) et propose un suivi personnalisé». Par exemple, poursuit Anouchka, l'appli dispose d'une fonctionnalité liée à «l'hydratation (qui) est très importante chez les personnes atteintes de la drépanocytose».
«La drépanocytose est une maladie de la douleur», souligne Anouchka. Une fonctionnalité, associée à cette douleur, permet à l'utilisateur de mesurer l'évolution de sa maladie et de répertorier les crises qui le conduisent souvent à l'hôpital. «Si certains jours, le malade se sent plus mal que les autres jours, il le note dans son application qui va générer un ou plusieurs histogrammes. La démarche est importante car le drépanocytaire ne voit son spécialiste que deux ou trois fois par an. Ces informations permettront en temps voulu au praticien d'adapter le traitement.»
Au moment où la question des données personnelles devient une problématique sensible, Drepacare a été pensée depuis sa création pour rassurer. «Toutes les données personnelles fournies par l'utilisateur de Drepacare sont stockées sur son portable», indique l'ingénieure en biotechnologie.
Une application distinguée
Avec l'application Drepacare, les trois jeunes femmes représenteront la France début octobre 2018 au concours international Enactus à la Silicon Valley, la capitale mondiale de l'innovation numérique. Elles ont remporté le concours national organisé par Enactus France, qui promeut l'entrepreneuriat des jeunes, fin mai 2018. «Ce qui s'est passé là s'est également déroulé dans 36 autres pays et nous allons tous nous retrouver à la Silicon Valley pour défendre nos pays», affirme Laetitia. A l'instar du jury français, Drepacare a de grandes chances de conquérir des jurés internationaux.
Et pour cause, note Meryem, «c'est la première application préventive et informative qui regroupe tous les acteurs qui gravitent autour de la drépanocytose: les malades, les familles, les professionnels de santé, auteurs entre autres des articles qui nourrissent la plateforme, et les associations présentent partout dans le monde».
And the winner is.... @drepacare !
— EnactusFrance (@EnactusFrance) 30 mai 2018
Après le dépouillement des votes, nous avons notre champion national ! Bravo à l'équipe qui remporte 6000€ pour la #WorldCupEnactus ainsi que 9000€ de #mecenat de compétences et bravo à toutes les équipes de la #CNEnactus ! #WeAllWin pic.twitter.com/AJp6qW0w5V
Bien évidemment, les trois jeunes femmes espèrent gagner le concours international et donner ainsi encore plus de visibilité à leur création et surtout à la maladie. «Quand nous avons gagné le concours national, se souvient Laetitia, beaucoup ont cherché à savoir ce qu'était la drépanocytose. Nous avons déjà fait beaucoup de sensibilisation.» Une maladie, qui pour beaucoup ne toucherait que les Africains. Une vrai fausse idée reçue. «C'est un préjugé contre lequel nous essayons d'ailleurs de lutter. A force de le repéter, tout le monde a fini par le croire. La drépanocytose touche tout le monde: aussi bien les Noirs que les Blancs, que les métis, les Indiens... C'est une maladie qui est présente dans le bassin méditerranéen. Les Grecs, les Siciliens ont la drépanocytose.»
Cependant, ajoute l'infirmière martiniquaise, «il y a plus de cas en Afrique parce que la maladie est un peu plus présente dans les zones paludéennes, dans les régions tropicales. Il y a très longtemps, le corps a muté pour se "protéger" du paludisme. Il a ainsi produit la drépanocytose. C'est pour cela, par exemple, que les AS sont moins sensibles au plasmodium, le parasite qui est à l'origine du paludisme.»
Prochaine étape pour les trois drôles de dames de Drepacare qui bénéficient du statut d'étudiant-entrepreneur: développer une version de leur appli pour les détenteurs d'un Iphone. «Nous n'avons pas encore les ressources nécessaires pour un développent sous iOS (système d'exploitation de la marque à la pomme)», dixit Meryem, la pharmacienne. Drepacare n'est aujourd'hui disponible que sur Android.
Il leur faudrait au «moins 20.000 euros» pour mener à bien ce développement. Une somme que le trio s'évertue à collecter en multipliant leur participation à des concours (ce qui leur réussit plutôt bien) et en faisant appel au financement participatif. L'utilité médicale et sociétale de leur entreprise numérique devrait leur ouvrir toutes les bonnes portes. Si ce n'est pas déjà fait...
Posted by Drepacare on Thursday, May 31, 2018
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