Les mariages précoces coûtent cher aux pays africains
Plus d'un tiers des filles, en Afrique subsaharienne, se marient avant leurs 18 ans. Ces mariages précoces coûtent plusieurs dizaines de milliards d'euros aux pays concernés, selon un rapport de la Banque mondiale publié le 20 novembre 2018.
"Eduquer les filles et mettre fin aux mariages d'enfants." Dans son nouveau rapport, la Banque mondiale chiffre à quelque 63 milliards de dollars, soit 55,5 milliards d’euros, l'impact économique et financier des mariages précoces dans 12 pays d'Afrique et du Maghreb.
"L’enseignement primaire pour les filles n’est tout simplement pas suffisant. Les filles retirent le plus de bénéfices de l’éducation lorsqu’elles sont capables de terminer leurs études secondaires", indique Quentin Wodon, économiste à la Banque mondiale et co-auteur du rapport. «Malheureusement, très souvent, elles ne restent pas à l’école si elles se marient tôt.»
En arrêtant leur scolarité plus tôt, les jeunes épouses contribuent moins aux revenus du foyer. Chaque année d'études secondaires réduit de 5% ou plus la probabilité de se marier avant 18 ans, note le rapport.
Scolariser les filles
Interrogée par l'AFP, Yvette Kathurima Muhia, de l'organisation internationale Girls Not Brides (Filles, pas épouses) qui regroupe plus de 1000 ONG, estime qu'il reste beaucoup à faire pour convaincre les filles de poursuivre leurs études, en leur offrant par exemple des repas gratuits et un moyen de transport. "Les familles ont ainsi le sentiment qu'elles peuvent envoyer les filles à l'école, où elles recevront davantage d'aide et des incitations que si elles étaient à la maison", ajoute-t-elle.
Parmi les 20 pays où se pratiquent le plus de mariages précoces dans le monde, 18 sont des pays africains. En tout, 24 pays du continent ont lancé des stratégies nationales pour mettre fin à cette pratique sous l'impulsion de l'Union africaine (UA), qui espère atteindre cet objectif d'ici 2023.
Sur le continent, comme ailleurs, ces mariages précoces sont favorisés par la pauvreté, le changement climatique et les conflits, selon le rapport.
Respect Topodzi, "survivante du mariage précoce"
Respect Ruvimbo Topodzi, Zimbawéenne qui milite contre le mariage précoce, fait du lobbying auprès du gouvernement zimbabwéen pour qu'il recule l'âge légal du consentement au mariage de 16 à 18 ans. "En tant que mère et survivante du mariage précoce, je (m'engage) passionnément pour que cela s'arrête", a-t-elle récemment déclaré à l'AFP, lors d'une conférence sur le sujet à Accra, la capitale du Ghana.
Elle se bat désormais pour que son histoire n’arrive pas à d’autres filles. A l’âge de 15 ans, elle est abordée par un homme en rentrant de l'école dans son Zimbabwe natal. Il lui fait des avances et malgré ses efforts pour le repousser, son père, les ayant aperçus ensemble, lui ordonne de l’épouser. Elle s’exécute, quittera l'école avant de tomber enceinte. Les violences conjugales qu'elle subira par la suite la pousseront à rejoindre sa famille.
"Je sais ce que ça fait de se marier tôt et je sais comment les choses se passent au sein du couple, c'est tellement difficile", témoigne-t-elle.
L'Afrique de l'Ouest enregistre le nombre le plus élevé de mariages avant l'âge de 15 ans. Le Niger et le Mali sont les plus concernés.
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