Ouganda: l’aide aux réfugiés aurait été massivement détournée
Un tweet du Centre d’interaction entre le gouvernement et le citoyen (CGIC), organisme d’Etat dont le but est d’améliorer la qualité des services en Ouganda, reproduit le texte du communiqué gouvernemental annonçant l’ouverture de l’enquête. Il a été relayé par la coordinatrice résidente de l’ONU en Ouganda, Rosa Malango. Mme Malango aurait elle-même auparavant écrit une lettre au Premier ministre Ruhakana Rugunda pour l’interroger sur la gestion de la crise des réfugiés en Ouganda.
Clarification from @OPMUganda regarding a story of an alleged refugee corruption scandal carried by @DailyMonitor pic.twitter.com/UdLiFwzGe3
— Government Citizen Interaction Centre (@GCICUganda) February 5, 2018
«Le bureau du Premier ministre (Ruhakana Rugunda) a reçu des informations affirmant qu’il y aurait pu avoir des actes de mauvaise gestion des fonds et d’autres ressources destinés aux réfugiés et à d’autres communautés accueillies dans le pays. (…) Le gouvernement a déjà pris des mesures pour enquêter sur ces affaires et est décidé à agir contre les coupables s’il y en a», explique le communiqué.
De son côté, la délégation de l'Union européenne à Kampala a, elle aussi, évoqué des «allégations de malversation et de corruption dans la gestion des programmes d'aide aux réfugiés en Ouganda». Elle dit avoir alerté les autorités du pays.
The EU Delegation and the EU Heads of Mission to Uganda have issued a local statement on the alleged fraud and corruption cases in refugee settlements in Uganda. @UNinUganda @RuhakanaR @OPMUganda @USAmbUganda pic.twitter.com/P1SW8r7PJ0
— Attilio Pacifici (@APacificiEU) February 5, 2018
Il faut dire que l’affaire est gênante pour les autorités ougandaises, qui ont encore affirmé récemment, par la voix du Premier ministre, leur politique de «zéro tolérance à la corruption». Car selon des sources citées par le quotidien ougandais Daily Monitor, elle toucherait directement le cabinet de Ruhakana Rugunda. Il y aurait ainsi «collusion entre des représentants de l’OPM (Office of the Prime Minister, cabinet du Premier ministre) et le Haut commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR) pour voler l’argent et d’autres ressources destinés aux réfugiés», affirme le journal.
De quoi s’agit-il exactement ?
Selon les informations du Daily Monitor, le scandale porterait sur des «centaines de millions de dollars». «De nombreux représentants de l’OPM (seraient) menacés de révocation», précise le quotidien. Dans le même temps, croit savoir l’AFP, un document interne au bureau du Premier ministre, daté du 29 janvier, parle d’allégations de corruption de fonctionnaires réclamant de l'argent à des réfugiés. Lesquels souhaitaient s'enregistrer en Ouganda, un service censé être gratuit.
We are investigating the OPM refugee corruption scandal- Government. #NTVNews https://t.co/4DzLZbeFVK pic.twitter.com/z7uLie5qdB
— NTV UGANDA (@ntvuganda) February 6, 2018
Dans son courrier à Ruhakana Rugunda, la représentante de l’ONU évoque le détournement supposé d’aides financières. Mais aussi des bidonnages de chiffres sur le nombre de réfugiés. Ainsi que des accusations de trafic d’êtres humains dans des camps de réfugiés en Ouganda, affaire déjà évoquée par Géopolis Afrique.
«Réfugiés fantômes»
Interrogés par l'AFP, des responsables d'ONG ont dit soupçonner depuis plusieurs années que les chiffres officiels sur le nombre de réfugiés en Ouganda ont été gonflés artificiellement. Objectif: détourner massivement des fonds et autres ressources humanitaires. «Si vous dites qu'il y a 1000 réfugiés quand il y en a 800, alors vous gardez pour vous l'aide destinée aux 200 réfugiés» qui n'existent pas, a expliqué un de ces responsables, sous couvert de l'anonymat.
Officiellement, l'Ouganda (41,5 millions d’habitants), l’un des pays les plus pauvres du monde, accueille 1,4 million d’étrangers, dont environ un million de Sud-Soudanais.
Selon le Daily Monitor, des enquêtes ponctuelles ont déjà été menées pour tenter de vérifier ces chiffres. Dont une à Kampala, la capitale. Il en résulte que «plus de 26.000 réfugiés étaient censés recevoir des aliments». «On leur a alors demandé de se présenter physiquement pour venir les chercher. Seuls 7000 se sont déplacés, ce qui suggère que 19.000 étaient des ''réfugiés fantômes''. Les fonds et les autres ressources qui leur étaient destinés ont été détournés par certains individus liés à l’OPM.»
Comme on l’a vu plus haut, l’affaire, si elle est avérée, risque d'éclabousser beaucoup de monde. La coordinatrice résidente de l'ONU en Ouganda a précisé à l'AFP qu'un audit interne était en cours au sein du Programme alimentaire mondial (PAM) et de l’UNHCR en Ouganda, en lien avec les allégations de corruption et de fraude. Il faut dire que le feu est à la maison. Selon des sources diplomatiques, au moins un important donateur a suspendu, à la lumière de ces allégations, la majeure partie de l'aide humanitaire qu'il fournit. Il attend la mise en place d'un système d'identification biométrique des réfugiés. D'autres donateurs ont menacé de prendre des mesures similaires. C’est donc la crédibilité du gouvernement ougandais et celle de l’ONU qui sont en jeu.
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