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RDC: Kinshasa, une capitale à la démographie galopante et incontrôlable

Un violent orage et des pluies torrentielles ont frappé Kinshasa, capitale de la RDC, le 4 janvier 2017, faisant 44 morts, selon le bilan définitif des autorités provinciales. Un phénomène qui n’est pas exceptionnel en cette fin de saison des pluies. Mais qui a été amplifié par la croissance démographique folle de la troisième plus grande ville d’Afrique.
Article rédigé par Laurent Ribadeau Dumas
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 4 min

«Plusieurs familles ont tout perdu: pertes en vies humaines, maisons et tous leurs biens», rapporte le site de Radio Okapi, l’un des plus importants médias indépendants du pays.

Des glissements de terrain ont aussi déplacé «plusieurs milliers de personnes vers des familles d'accueil en attendant la baisse du niveau des eaux», a indiqué le gouvernement. «Toutes les maisons de la parcelle se sont écroulées, tous les effets de la maison sont foutus. Nous sommes dans un danger permanent», témoigne un rescapé dans le quartier Mosso à Limete, commune de Kinshasa.

Les quartiers les plus touchés sont des communes populaires où l'activité vibrante des petits commerces côtoie des poches de pauvreté. C’est ainsi le cas de Ngaliema, construit sur une colline, de Selembao. Mais aussi de Bandalungwa, surnommé le «petit Paris» pour ses bars et ses restaurants, et où des enfants d'une même famille sont morts noyés après l'effondrement de leur maison.

A Ngaliema, trois personnes, Brunelle, 18 ans, sa sœur Gladys, 22 ans et son bébé, ont été victimes de l'effondrement de leur maison construite en briques d'argile, ont indiqué les voisins. La maison, construite au fond d'un ravin parmi la végétation, a été détruite par les eaux qui se sont précipitées du haut d'une colline jonchée de détritus, selon les habitants.

Constructions anarchiques
Les victimes reçoivent «un appui financier pour les frais funéraires de leurs proches décédés», rapporte Radio Okapi. Dans le même temps, le président Joseph Kabila a décrété deux jours de deuil (les 8 et 9 janvier) à la mémoire des victimes et «pour marquer la solidarité de la Nation». «Le deuil national ce n’est pas mal. Mais le souci que nous avons, c’est d’enterrer nos frères et voir comment s’acquitter des problèmes que nous avons», a expliqué une victime à Radio Okapi.


L’un des principaux problèmes est la multiplication des constructions anarchiques dans les zones à risques. De fait, la maison des deux sœurs Brunelle et Gladys, dont les parents étaient absents, ainsi que celle de deux voisins blessés, n'auraient pas dû se trouver là. «Ça fait très longtemps que les textes de l'Etat interdisent de s'installer ici. Les gens s'installent quand même parce qu'ils manquent de moyens pour aller ailleurs», détaille un responsable du quartier Ngaliema.

Les inondations à Kinshasa sont «liées à la surpopulation, à l'occupation de terrains inondables qui ne devaient pas être occupés», a expliqué à l'AFP le colonel Roger-Nestor Lubiku, ex-directeur général de l'Institut géographique du Congo. Le gouverneur de Kinshasa André Kimbuta a d'ailleurs rappelé que pour «prévenir d'autres cas d'inondations», les autorités procéderont «incessamment à la démolition de constructions anarchiques». En attendant, l’opposition ne manque pas de faire de la surenchère: «Regardez la voirie, le drainage, l’Etat a démissionné. On ne peut pas construire n’importe où ou n’importe comment. (…) Mais aujourd’hui (…), on se bombe la poitrine, on se dit ministre de l’Urbanisme et Habitat. Et tout ce qu’on fait, on donne des autorisations de bâtir en désordre et on vend en désordre les maisons de l’Etat», explique le député Jean-Baudoin Mayo.

Une croissance «hors de tout contrôle»
Reste à savoir si des mesures politiques peuvent enrayer le phénomène. «Monstre urbain» et «mégapole insaisissable, Kinshasa croît hors de tout contrôle», constate Le Monde dans un article consacré, en juillet 2017, à la capitale de la RDC. Une croissance sans cadastre ni plan de développement, et difficile à quantifier en l'absence de tout recensement.

Celle-ci compterait aujourd’hui 10 millions d'habitants. Mais peut-être sont-ils 12 millions. Voire 15 ou même 20. En fait, on ne sait pas vraiment… La Revue belge de géographie constate qu’«entre 1995 et 2005 (…), 30% de la croissance urbaine s'est effectuée sur des pentes de plus de 15%, (…) présentant un risque important d'érosion».


Une croissance qui est le fait d'un «urbanisme de la pauvreté», affirmait en juillet au Monde Corneille Kanene, ex-directeur de l'agence ONU-Habitat sur place. Il précisait: «Les trois quarts de Kinshasa sont constitués de bidonvilles sans accès à l'eau ni à l'électricité.»

Cet urbanisme galopant provoque d'immenses ségrégations sociales. «La ségrégation raciale a été remplacée par un capitalisme ultra-sauvage, qui a creusé les inégalités et renforcé la confiscation des richesses», explique Le Monde. Les habitations fragiles de Ngaliema se trouvent à quelques centaines de mètres des villas cossues de Macampagne, et à quelques kilomètres des tours, des résidences, des ambassades et du palais présidentiel de La Gombe. «Désormais, les membres de l’oligarchie (…) cultivent l’entre-soi» dans ce dernier quartier. «Tout ce beau monde tient à l’écart les plus pauvres, entassés dans les quartiers de l’ancienne Cité indigène, où la densité dépasse les 100.000 habitants au km²». Contre 1700 à La Gombe.

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