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Rwanda : l’ONG Human Rights Watch réclame la fermeture du centre de transit de Gikondo

Des mineurs y sont enfermés sans autre forme de procès. Leur tort, vivre dans la rue.

Article rédigé par Jacques Deveaux
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 4min
Des mendiants, des prostituées, des enfants des rues sont envoyés au centre de transit de Gikondo à Kigali. Le pouvoir rêve d'une ville "parfaite". (STEPHANIE AGLIETTI / AFP)

Une nouvelle fois l’ONG Human Rights Watch dénonce l’attitude des autorités rwandaises à l’encontre des jeunes délinquants, et réclame la fermeture d’un lieu de détention provisoire à Kigali. Au centre de transit de Gikondo, les autorités prétendent réhabiliter les enfants des rues. Un organisme gouvernemental, la Commission nationale pour les enfants, a recensé en mai 2019 2882 enfants vivant dans la rue au Rwanda. Elle a estimé que près de la moitié de ces enfants avaient été placés, au moins une fois, dans un centre pour enfants des rues.

Kigali, la "capitale modèle" vantée par l’ONU, est aussi menée à la baguette. La ville veut renvoyer l’image d’un monde parfait où les enfants des rues, entre autres, n’ont pas leur place.

Une ville modèle

Leur séjour à Gikondo peut durer jusqu’à deux mois, "sans autre justification légale, ni contrôle judiciaire", précise HRW. Le vagabondage, la prostitution, l’usage de stupéfiants, la mendicité, le commerce informel sont autant de "comportements déviants" qui justifient un séjour dans ce centre.

Pour les enfants, les abus commencent dès qu’ils sont raflés dans la rue. Les coups pleuvent et les conditions de détention sont indignes. Les mineurs sont détenus entre eux dans une salle pouvant contenir jusqu'à une centaine d’enfants. Ils dorment à quatre par matelas souvent infestés de poux. "Beaucoup d’enfants interrogés présentaient des cicatrices et des signes de possibles infections et éruptions cutanées", précise l’ONG.

Parfois, faute de place, ils sont placés avec les adultes et les conditions de détention sont pires encore. Accès irrégulier à l’eau potable ou aux toilettes. On ne peut se laver que deux fois par semaine. La nourriture est insuffisante et peu nutritive.

Violence permanente

Dans ce centre, la violence est permanente. La quasi-totalité des trente enfants interrogés par HRW y ont été battus. Par les gardes, mais aussi par les autres détenus. Des "passages à tabac récurrents pour des actes aussi insignifiants que parler trop fort ou ne pas faire la queue pour utiliser les toilettes".

Aussi soudainement qu’ils ont été arrêtés, ils sont libérés, sans autre forme de procès et retournent à la rue.

C’est le quatrième rapport que publie Human Rights Watch depuis 2006 pour réclamer la fermeture de ce centre. En 2018, le Rwanda répondait aux critiques dans un long rapport. "Les enfants des rues ne sont pas traités comme des délinquants puisqu’ils sont systématiquement placés dans des centres de transit, où ils sont détenus pendant une courte période, avant que des mesures de réparation ou de correction durables ne soient prises."

Grâce présidentielle

Comme en écho aux critiques, le président Kagame vient de gracier dix-huit mineurs incarcérés dans la prison de Nyagatare. La grâce leur a été accordée tant pour leur comportement en détention et que pour leurs résultats aux examens. Ces seize garçons et ces deux filles ont été libérés et vont pouvoir reprendre leur scolarité dans des écoles normales. Ce centre de Nyagatare a été ouvert en 2014, afin de réduire la récidive des jeunes délinquants.

La grâce du président tombe donc à pic pour rappeler l’action menée par le gouvernement rwandais et contrer les critiques du HRW.

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