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Sénégal : le Parlement repousse un texte de loi visant à doubler les peines de prison pour les homosexuels

Une majorité de députés a qualifié ce texte de "faux débat", dénonçant "une instrumentalisation politique" à quatre semaines des élections locales.

Article rédigé par franceinfo Afrique
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"Le Sénégal dit non à l'homosexualité", peut-on lire sur une banderolle déployée lors d'un rassemblement à Dakar d'associations religieuses sénégalaises, le 23 mai 2021. (SEYLLOU / AFP)

Le Parlement sénégalais a rejeté le 25 décembre 2021 une proposition de loi visant à durcir la répression de l’homosexualité, avec des peines allant jusqu’à dix ans de prisons contre cinq ans actuellement. La question LGBT est devenue un levier électoral des traditionnalistes et des populistes qui dénoncent "les modernistes, sous influence occidentale".

Jusqu'à dix ans de prison

La proposition de loi, à l'initiative de onze députés (lien payant), majoritairement de l’opposition, prévoyait "une peine de cinq à dix ans d'emprisonnement ferme et une amende d'un à cinq millions FCFA (1 500 à 7 625 euros), sans possibilité d'accorder des circonstances atténuantes (pour) quiconque aura été reconnu coupable d'actes contre nature". Ce texte était soutenu par les associations et les chefs religieux, influents dans ce pays musulman à 95% où l'homosexualité est considérée comme une déviance durement répriméeIl visait à criminaliser un peu plus l'homosexualité et aussi à l'élargir à "d’autres déviances", selon ses initiateurs : "lesbianisme, bisexualité, transsexualité, intersexualité et autres pratiques assimilées."

"La législation du Sénégal qui date de 1966 (...) est claire et nette à ce sujet. Il n'est point besoin d'y ajouter ou d'en retirer une virgule", ont affirmé les députés de la majorité dans un communiqué. Les actes visés par la proposition de loi "sont déjà clairement bannis et punis par la loi au Sénégal", a précisé le président du groupe parlementaire majoritaire Aymérou Gningue. La quinzaine de députés porteurs de la proposition de loi sont soupçonnés "d'instrumentalisation politique" avant les élections municipales et départementales prévues le 23 janvier dans le pays. Ils veulent "installer un faux débat dans cette période pré-électorale" et "cachent des objectifs politiques inavoués", a affirmé Aymérou Gningue.

Le président Macky Sall, dont le pays est souvent cité en exemple d'Etat de droit en Afrique, a toujours invoqué "les spécificités culturelles sénégalaises" pour refuser une dépénalisation de l'homosexualité, y compris devant des dirigeants étrangers, comme lors de la visite Premier ministre canadien Justin Trudeau, le 12 février 2020.

L'homosexualité toujours criminalisée

Sur 45 pays d'Afrique subsaharienne, 28 disposent encore de législations interdisant ou réprimant l’homosexualité. Le poids de la culture et de la religion expliquent largement cette situation dramatique pour les LGBT.

Dans les pays majoritairement musulmans, l’homosexualité doit rester cachée. En Côte d'Ivoire, où l'homosexualité n'est pourtant pas pénalisée, le porte-parole du Conseil supérieur des imams, des mosquées et des affaires islamiques, l’imam Sékou Sylla déclarait en 2019 que "l'islam prévoit la sanction suprême – la lapidation à mort – pour toute personne pratiquant l’homosexualité".

En Mauritanie, même si elle n'a pas été appliquée depuis plusieurs années, la peine de mort reste prévue, "conformément à la charia", pour les homosexuels. Ce principe de peine capitale est également présent au Soudan et dans le nord du Nigeria (musulman). Au Sud, une loi adoptée en 2014 prévoit des peines allant jusqu’à 14 ans de prison. Dans le sud de la Somalie, les homosexuels sont mis à mort dans les territoires contrôlés par les islamistes radicaux shebabs, affiliés à Al-Qaïda. La Tanzanie punit aussi l'homosexualité d’une peine minimale de 30 ans de prison pouvant aller jusqu’à la prison à perpétuité.

Quelques avancées 

On peut relever toutefois quelques avancées sur le continent où plusieurs pays ne répriment plus l’homosexualité. Il s’agit notamment du Gabon, de la Côte d’Ivoire, du Mali, de la République démocratique du Congo (RDC), du Botswana et du Lesotho.


Depuis la fin de l’apartheid, la Constitution sud-africaine interdit toute discrimination fondée sur l’orientation sexuelle et le mariage homosexuel a été légalisé en 2006, une première en Afrique.

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