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Tunisie : le 10e anniversaire de la chute de Ben Ali marqué par les émeutes d'une jeunesse à bout de souffle

Pour la quatrième nuit consécutive, des jeunes s'en sont pris aux forces de l'ordre dans de nombreuses villes du pays. Plusieurs centaines d'entre eux ont été arrêtés. Mais la grogne s'étend dans l'ensemble du pays.

Article rédigé par Jacques Deveaux
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 4min
Affrontements entre jeunes et forces de l'ordre à Ettadhamen, dans la banlieue de Tunis, le 18 janvier 2021.
 (FETHI BELAID / AFP)

Le couvre-feu avancé pour quatre jours à 16h, à l'heure de la célébration de la chute de Ben Ali il y a 10 ans, a semble-t-il été la goutte d'eau de trop pour une partie de la population. Et si les jeunes des quartiers défavorisés allument des feux de poubelle et s'en prennent aux forces de l'ordre, la colère monte dans tout le pays, quelles que soient les générations.

Relativement épargnée par le coronavirus lors de la première vague au printemps, la Tunisie est cette fois frappée de plein fouet. Le pays recensait 5 343 morts et 164 936 cas au 13 janvier 2021.

Le coronavirus bloque l'économie

De quoi justifier un durcissement des mesures, et notamment un couvre-feu avancé à 16h pour une durée de quatre jours, du jeudi 14 au dimanche 17 janvier. De plus, jusqu'au 24 janvier les cours sont suspendus dans les écoles, les établissements secondaires et les universités, ainsi que les fêtes annulées.

Or, dix années après le départ de Ben Ali, l'économie tunisienne est exsangue. Déjà mal en point, elle voit la pandémie y faire des ravages. Entre mars et juin 2020, le pays avait déjà perdu 165 000, emplois selon une estimation du patronat tunisien. Dans le domaine de l'artisanat, 40% des entreprises avaient tiré le rideau. Conséquence directe, le chômage a bondi de 3 points atteignant les 18%, et le pire reste à venir.

Dans un pays où le secteur informel emploierait près de la moitié de la population active, la situation est en réalité bien plus catastrophique que ce qu'annoncent les chiffres. D'autant que les caisses du pays sont vides et que le gouvernement n'a plus les moyens d'offrir un filet social, de toute façon bien mince.

Le tourisme à l'arrêt

Le tourisme, moteur essentiel de l'économie, est quasiment à l'arrêt. Victime des mesures imposées pour lutter contre le Covid-19. Ainsi, au cours du mois d'août, les touristes français, belges et islandais se voyaient imposer, en plus d'un test négatif, un isolement d'une semaine à leur arrivée dans le pays. De quoi décourager de se rendre sur l'île de Djerba !

Une plage de la banlieue de Tunis déserte le 16 mai 2020.  Le tourisme tunisien subit de plein fouet l'épidémie du coronavirus. (FETHI BELAID / AFP)

"On a enregistré une baisse d’arrivées aux frontières d’environ 75% durant les neuf premiers mois de 2020. Les recettes ont chuté d’environ 60% et les nuitées globales d’environ 80%", expliquait le ministre du Tourisme Habib Ammar en octobre 2020. Or, l'absence de touristes a entraîné la perte de revenus pour toute la filière, mais aussi pour la cohorte de petits métiers informels qui en vit.

Une jeunesse désabusée

Comme souvent, en Tunisie et ailleurs, la jeunesse est la première à se révolter. L'écrivain et chercheur Slimane Zeghidour parle ainsi d'une frustration née d'un certain "lyrisme de la révolution". "Pour beaucoup de jeunes, la révolution était une fin en soi qui devait mécaniquement instaurer la prospérité et la justice", expliquait-il sur TV5.

Et si une partie de la jeunesse est dans la rue ces derniers jours, ce n'est que l'éruption d'une contestation sociale qui traverse tout le pays. Grèves et sit-in de blocage se multiplient.

Manifestations de jeunes Tunisiens devant l'Assemblée des représentants du peuple à Tunis, le 18 décembre 2020. Les jeunes réclament plus de droits. (MORGANE WIRTZ / HANS LUCAS)

"Il ne passe pas un jour sans que la place du gouvernement à la Kasba ne soit pas occupée par des sittineurs ayant des revendications sociales, à la recherche, notamment, d’emploi", écrivait le journal algérien El-Watan en décembre dernier. "Des sit-in sont observés près du gisement de pétrole de Douleb à Kasserine, sur la route du phosphate entre Gabès et Gafsa, au sud de la Tunisie, voire sur tout ce qui signifie la création des richesses", poursuivait notre confrère.

Discrédit de la classe politique

Et face à ce mécontentement, la classe politique tunisienne renvoie une image d'incompétence, enfermée dans des querelles partisanes, où semble primer la politique politicienne. Le président Kaïs Saïed s'est rendu le 18 janvier à Ariana, une ville proche de Tunis pour lancer un appel au calme. Le gouvernement, quant à lui, péniblement constitué en septembre, a été remanié le samedi 16 et est en attente d'un nouveau vote de confiance. Il n'est pas sûr que cela suffise à calmer la population.

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