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Soudan du Sud : une experte de l'ONU presse le FBI d'enquêter sur la mort d'un journaliste américain

Agnès Callamard, rapporteuse spéciale de l’ONU demande une enquête sur la mort de Christopher Allen, journaliste tué il y a trois ans, par l'armée sud-soudanaise.

Article rédigé par franceinfo Afrique avec AFP
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Agnès Callamard rapporteuse spéciale de l'ONU pour les exécutions arbitraires, sommaires ou extra-judiciaires, lors d'une conférence de presse à New York. Le 25 octobre 2019. (TAYFUN COSKUN / ANADOLU AGENCY)

Christopher Allen, un journaliste indépendant américain de 26 ans, a reçu une balle dans la tête alors qu'il couvrait, comme photographe, des combats entre troupes gouvernementales et rebelles sud-soudanais. Il accompagnait ("embedded") fin août 2017 des rebelles dans la ville de Kaya, à l'extrême sud du Soudan du Sud, à la frontière avec l'Ouganda et la République démocratique du Congo.
Christopher Allen travaillait pour plusieurs médias internationaux, dont Al Jazeera, The Telegraph, Vice News ou The Independent. Il était arrivé récemment au Soudan du Sud après avoir longuement couvert le conflit qui sévissait en Ukraine.

11 journalistes tués au Soudan du Sud

"Le fait que pendant trois ans aucune enquête indépendante n'ait été menée sur le meurtre de M. Allen envoie un signal très dangereux, selon lequel les journalistes peuvent être pris pour cible en toute impunité", a déclaré Agnès Callamard, rapporteuse spéciale de l'ONU sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires.
Outre M. Allen, au moins dix autres journalistes ont été tués en toute impunité pendant la guerre civile, relève l'experte de l'ONU.

Le meurtre de M. Allen est révélateur du climat plus large d'hostilité envers les journalistes dans le pays

Agnès Callamard raporteuse spéciale de l'ONU

AFP

"Les gouvernements du Soudan du Sud et des États-Unis peuvent et doivent prendre des mesures pour garantir que les circonstances du meurtre de M. Allen fassent l'objet d'une enquête complète et indépendante", a-t-elle ajouté, dans un communiqué.
Pour l'experte, dont l'avis n'engage pas l'ONU, "le FBI a le devoir, à la fois légal et moral, d'enquêter sur le meurtre de M. Allen, car il y a des soupçons fondés que des crimes de guerre pourraient avoir été commis par des membres des forces du Soudan du Sud".
"Christopher Allen n'a pas été visé", avait déclaré en 2017 le ministre de l'Information Michael Makuei, démentant les accusations selon lesquelles le journaliste avait délibérément été pris pour cible par l'armée gouvernementale. "Mais toute personne qui se trouve dans le camp opposé est généralement une cible" avait-il précisé.
Le porte-parole de la rébellion, le colonel Paul Lam Gabriel, avait lui contesté la version des événements fournie par le gouvernement et assure que M. Allen portait une bannière "PRESSE" sur ses vêtements, ainsi qu'un appareil photo lorsqu'il a été tué. "Allen a été visé, la personne qui l'a tué l'a très clairement vu".

Article de Reporters sans Frontières alertant sur le cas de Christopher Allen (REPORTERS SANS FRONTIERES)

Impunité totale

Le Soudan du Sud, qui a acquis son indépendance en 2011 avec le soutien essentiel de Washington, son principal donateur, a sombré dans la guerre civile deux ans plus tard.
Un accord de paix a été signé en 2018, et le pays se remet péniblement de ces violences qui, en six ans, ont fait plus de 380 000 morts et provoqué une crise humanitaire catastrophique.
Le 30 janvier, Mme Callamard a écrit aux autorités sud-soudanaises pour leur demander d'enquêter sur cette affaire, mais n'a pas reçu de réponse.
Après avoir envoyé une requête similaire au FBI, les États-Unis lui ont répondu avoir fait part de leur inquiétude au Sud-Soudan, a-t-elle ajouté, en soulignant que Londres avait exprimé sa préoccupation face à l'absence d'enquête.

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