Des équipements militaires français repérés au Soudan, "en violation" de l'embargo sur les armes, dénonce Amnesty International
C'est une première au Soudan, en proie à un violent conflit depuis avril 2023. Des équipements militaires fabriqués par les groupes KNDS-France et Lacroix ont été repérés par Amnesty International au Soudan, sur des véhicules blindés fournis par les Emirats arabes unis. "Nos recherches montrent que des systèmes d'armement conçus et fabriqués en France sont utilisés sur le champ de bataille au Soudan", affirme dans un communiqué la secrétaire générale de l'ONG Agnès Callamard. Il s'agit d'une "violation" de l'embargo de l'Union européenne sur les armes, estime l'ONG.
Selon l'analyse de l'organisation, des véhicules de transport de troupes Nimr Ajban, fabriqués aux Emirats arabes unis par le groupe national Edge, sont utilisés par les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) du général Mohamed Hamdane Daglo au Soudan, notamment au Darfour. Ces blindés sont équipés du système d'autoprotection Galix, conçus par KNDS-France et Lacroix. Doté de capteurs, il permet de détecter une menace et est équipé de plusieurs tubes lanceurs de fumigènes ou de munitions (de désencerclement ou de "neutralisation du personnel" situé à proximité du véhicule), détaille Lacroix sur son site internet.
Trois photos de véhicules équipés de systèmes Galix
En appui de son analyse, Amnesty International publie trois photos de véhicules équipés de ces systèmes Galix. Vérifiées par franceinfo, celles-ci datent de juin 2019, avril 2023 et novembre 2023. Il est difficile de savoir dans quelle mesure ce matériel, présent au Soudan depuis 2017, est utilisé depuis le début du conflit, en avril 2023.
"Le système Galix est déployé par les FSR dans ce conflit, et toute utilisation au Darfour constituerait une infraction évidente à l'embargo sur les armes de l'ONU. Le gouvernement français doit veiller à ce que Lacroix Défense et KNDS-France cessent immédiatement de fournir ce système aux Emirats arabes unis", dénonce Agnès Callamard.
Sollicité par l'AFP, le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN), chargé du contrôle des exportations de matériel de guerre, n'a pas pris connaissance du rapport et n'a pas fait de commentaire, tout comme KNDS-France et Lacroix.
Des dizaines de milliers de morts
Le Soudan fait l'objet d'un embargo de l'UE sur les ventes d'armes, tandis que l'ONU en impose un depuis 2004 pour la seule région du Darfour. L'ONG appelle à son extension à l'ensemble du territoire soudanais. "Si la France ne peut pas garantir par des contrôles à l'exportation, y compris la certification de l'utilisateur final, que les armes ne seront pas réexportées vers le Soudan, elle ne devrait pas autoriser ces transferts", plaide Amnesty.
La guerre au Soudan, qui a fait des dizaines de milliers de morts et des millions de déplacés, oppose depuis avril 2023 l'armée, dirigée par le général Abdel Fattah al-Burhane, aux paramilitaires des FSR de son ex-adjoint, le général Mohamed Hamdane Daglo. Les deux camps ont été accusés de crimes de guerre, notamment de bombardements aveugles de zones habitées, d'avoir visé délibérément des civils et bloqué l'aide humanitaire.
Contactée par franceinfo, une source diplomatique française a répondu vendredi, au lendemain de la publication de cet article. Elle affirme qu'une "analyse détaillée" va être menée par la France, "afin de comprendre comment ces matériels auraient pu se retrouver aux mains des FSR". "La France se conforme scrupuleusement à l'embargo de l'UE et de l'ONU" et "a soutenu le renouvellement de ce dernier en septembre 2024", a assuré cette source. Elle ajoute que "la France est très préoccupée par la hausse des violences"et "condamne toutes les attaques contre des cibles civiles".
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