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En Tunisie, un ado condamné pour homosexualité à cause d’un «test anal»
Un juge pour enfants de Sousse, en Tunisie, a condamné, par contumace, un adolescent de 16 ans, à 4 mois de prison ferme, pour homosexualité. Il a été condamné sur la base du code pénal, qui prévoit l’utilisation d’un test anal censé prouver l’orientation sexuelle des accusés. Cette condamnation montre que la Tunisie a encore des réformes à faire pour lutter contre les discriminations sexuelles.
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Dans l’affaire Sousse, «l’ado a été condamné sur la base de l’article 230 du code pénal, qui prévoit un test anal censé prouver l’orientation sexuelle des accusés dans les affaires d’homosexualité. Or, il n’a pas effectué ce test, parce qu’il a refusé d’y être soumis, le considérant comme une atteinte à sa dignité humaine. Son refus a été considéré par le juge comme une preuve de "culpabilité"», rapporte le site tunisien Kapitalis.
L’article 230 stipule que «la sodomie… est punie de 3 ans d’emprisonnement». «Dans sa version arabe, qui prévaut sur sa version française, il condamne explicitement l’homosexualité. Il s’appuie donc sur une discrimination basée sur l’orientation sexuelle, en totale contradiction avec l’article 21 de la Constitution qui affirme que "les citoyens et les citoyennes sont égaux en droits et devoirs. Ils sont égaux devant la loi sans discrimination"», précise d’ailleurs un rapport sur la situation des personnes LGBTQI en Tunisie.
"L'enfer du test anal en #Tunisie", un très bon papier de @timvinchon dans @vicenews #homophobie #LGBT https://t.co/0mxzchHtPa pic.twitter.com/8JYDjRkNdE
— Perrine Massy (@PerrineMassy) May 17, 2017
«Test de la honte»
Appelé aussi «test de la honte», «cette pratique est en opposition flagrante et choquante avec la Convention internationale contre la torture ratifiée par l’Etat tunisien», a fait savoir l’Association tunisienne de soutien des minorités dans un communiqué. «L'association Damj, pour la justice et l'égalité en a dénombré 22 depuis le mois de janvier, et estime leur nombre entre 60 et 70 par an», rapporte le site Vice News.
Très critiqué, ce test a aussi été dénoncé par les médecins tunisiens. Le 3 avril 2017, le Conseil national de l’Ordre des médecins a appelé les médecins légistes réquisitionnés par la justice à «informer les personnes qu’ils ont à examiner de leur droit de refuser un tel examen». Un appel jugé insuffisant par l'association Shams (qui milite pour la dépénalisation de l’homosexualité en Tunisie). Elle invite le conseil de l’ordre à «aller encore plus loin» en prononçant des «sanctions disciplinaires contre les médecins qui acceptent de pratiquer les tests anaux». Pour son porte-parole Bouhdid Belhedi, «cela permettra de passer vraiment de la théorie à la pratique».
Le jugement de Sousse témoigne, au-delà de la question de ce «test de la honte», des difficultés faites par la loi, mais aussi par les secteurs les plus conservateurs de la société, contre les homosexuels. Toujours à Sousse, deux jeunes de 20 et 21 ans ont été condamnés à 8 mois de prison pour «pratiques homosexuelles»… malgré les résultats négatifs du test.
Un cinéaste arrêté
Le journal Jeune Afrique évoquait lui une autre affaire: «Le cinéaste tunisien Karim Belhaj – dont le premier court-métrage Case départ (2012) évoque les difficultés des diplômés de l’enseignement supérieur en Tunisie – a été arrêté le 13 mars à son domicile en compagnie d’un homme qui a reconnu avoir eu une relation homosexuelle avec lui. Le juge d’instruction du tribunal de Tunis a alors ordonné un test anal et émis un mandat de dépôt à leur encontre, indiquent les communiqués de Shams, fondation de défense de la communauté LGBTQ tunisienne.»
SIx ans après la Révolution, l'homosexualité est toujours interdite et le sujet est loin de faire l'objet d'un débat important dans le pays. Les partis politiques préfèrent éviter d'en parler. Mais dans la Tunisie démocratique, la situation des homosexuels peut désormais être évoqués, grâce à la liberté d'association.
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