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Sable: quand l'extraction menace les plages africaines
Le sable est une ressource naturelle de plus en plus exploitée. Partout dans le monde, les plages sont désormais mises à contribution. Sur le continent africain, l'archipel semi-autonome de Zanzibar s'est dit récemment à court de sable. Son extraction, souvent illégale, constitue une nouvelle menace pour les littoraux et leurs écosystèmes.
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Sand Wars, le documentaire de Denis Delestrac diffusé sur les écrans de la chaîne franco-allemande Arte en 2013, illustre comment le sable est devenu le nouvel or pour beaucoup. Ce business prospère, souvent dans l'illégalité, à cause du développement du secteur de la construction partout dans le monde.
Selon Pascal Peduzzi, directeur du GRID-Genève, un des centres d'informations du Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE), la consommation serait comprise entre «30 et 50 milliards de tonnes par an».
L'appetit constant pour cet ingrédient essentiel à la fabrication du béton de ciment, mais aussi du verre, et fournisseur de la silice que l'on retrouve dans les systèmes électroniques des télévisions ou des portables, a conduit à la multiplication des sources d'approvisionnement.
A court de sable
Alors que la ressource se raréfie, selon un rapport du PNUE publié en 2014, les plages et les fonds marins sont de plus en plus sollicités, quand bien même ce sable doit être désalé.
A l'instar de nombreux pays dans le monde, les Etats africains ont fini par légiféré pour protéger les littoraux. Mais cela n'a pas pour autant mis fin à l'extraction illégale ni à la détérioration des écosystèmes.
Au Sénégal, par exemple, l'extraction dans la carrière publique de sable de mer à Mbeubeuss dans la commune de Malika (située sur le littoral au nord de la capitale sénégalaise, Dakar) est interdite depuis le 8 juin 2009.
Cependant, des années d'exploitation, qui se poursuit encore de façon illégale au grand dam des populations, ont fragilisé des plages qui souffrent aujourd'hui de l'érosion côtière.
Au Cap-Vert voisin, l'exploitation illégale de sable bat aussi son plein. «Les voleuses de sable», c'est ainsi qu'ont été baptisées les nombreuses Cap-Verdiennes qui prélèvent du sable sur les plages du pays pour subvenir aux besoins de leur famille. Début février 2017, rapporte la radio internationale allemande Deutsche Welle, une loi a interdit l’extraction de sable sur toutes les plages de la petite île.
De même, depuis janvier 2017, l'archipel semi-autonome de Tanzanie, Zanzibar, a décidé d'importer du sable pour réserver les 14,7 hectares de sable qu'il lui reste désormais. «Nous n’avons plus de sable pour construire parce que les ressources se sont amenuisées de façon drastique ces dix dernières années», a indiqué Hamad Rashid Mohamed, le ministre de l’Agriculture. L’archipel interdit désormais l’extraction de sable, souvent prélevé sur les côtes maritimes et donc sur ses sublimes plages, en attendant de trouver «une alternative aux matériaux non-renouvelables».
Des écosystèmes durablement endommagés
«Au Maroc, l'exploitation de sable sur les plages pose (aussi) problème, explique Pascal Peduzzi, auteur du rapport du PNUE sur la raréfaction du sable. Il faut des milliers d'années pour constituer une plage. Mais en quelques jours, elle peut être détruite ne laissant que la roche mère. Auquel cas la plage est perdue et avec elle tous les services qu'elle offre: tourisme, habitat naturel, protection contre les ondes de tempête...»
«Quand le sable est extrait des fonds marins, ajoute Pascal Peduzzi, c'est l'équilibre de la chaîne trophique (chaîne alimentaire, NDLR) qui est bousculé, car c'est dans les fonds marins que se trouve la nourriture des petits poissons, affectant ainsi les plus gros poissons et par conséquent la biodiversité et la pêche».
En Tunisie, l'extraction du sable sur les plages a provoqué d'autres types de dégâts environnementaux. «Certaines personnes ont prélevé du sable pour construire sur l'archipel de Kerkennah (côte est de la Tunisie). Ils n'ont pas forcément beaucoup d'options non plus (...). Mais comment les personnes peuvent se développer sans se tirer une balle dans le pied, sans se rendre plus vulnérables par rapport à la hausse du niveau des mers, à la salinisation de leurs sols?» Et Pascal Peduzzi de conclure: «La question du sable est complexe. Cependant, on ne peut pas extraire 30 milliards de tonnes par an sans occasionner des impacts importants.»
«Le développement de l'Afrique ne doit pas s'inspirer des mauvais exemples qui ont généré tous les problèmes climatiques que l'on connaît actuellement, estime le directeur du GRID-Genève. Il faut que les pays africains se dotent d'une législation et d'une gouvernance environnementale qui préserve la santé des populations et leurs écosystèmes. Il est encore temps pour beaucoup de pays africains de prendre un départ harmonieux.»
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